Voyage a u cur du nucléaire britannique
Une délégation d'une dizaine de membres de la SFEN 92 et de l'AEPN (*) s'est rendue en visite du 9 au 11 juin 2001 à Sellafield en Angleterre.
Environ 30% de la production d'électricité en Grande Bretagne est d'origine nucléaire, avec des réacteurs de type AGR (14 réacteurs, 8380 MWe net), UNGG (20 réacteurs, 3358 MWe net) et PWR (1 réacteur, 1188 MWe net). Ce pays, tout comme la France, maîtrise le cycle complet du combustible nucléaire, depuis la production du combustible nucléaire jusqu'au retraitement des combustibles usés et au démantèlement des installations.
Le site de Sellafield, exploité pour tout ce qui concerne les activités commerciales par BNFL (British Nuclear Fuel Limited), et pour les activités de défense, par l'UKAEA (United Kingdom Atomic Energy Agency) est l'un des hauts lieux du nucléaire dans le monde, puisqu'il a vu le jour au lendemain de la deuxième guerre mondiale et a évolué tout au long de l'histoire de l'industrie nucléaire d'abord militaire, puis civile. 6200 personnes y travaillent sous statut BNFL ainsi qu'environ 2000 prestataires et autant d'agents de l'UKAEA.
BNFL, concurrent de la Cogéma, est une compagnie nucléaire présente dans 15 pays, qui emploie plus de 23.000 personnes et a récemment acquis les activités nucléaires de Westinghouse (en mars 1999) et d'ABB (en mai 2000). Ainsi que nous avons pu le constater, la sûreté et la protection de l'homme et de l'environnement à tous les niveaux font partie des priorités de BNFL.
La mission initiale du site de Sellafield au lendemain de la deuxième guerre mondiale a été la production de plutonium pour la fabrication des armes stratégiques britanniques, puis il est devenu en 1956 le premier site au monde à produire industriellement de l'électricité nucléaire, s'orientant de plus en plus avec le temps vers les applications civiles de l'énergie nucléaire.
De nos jours Sellafield s'adapte au contexte économique et aux préoccupations écologiques actuelles en fabricant du combustible MOX (oxyde mixte de plutonium et d'uranium).
Le site de stockage anglais de déchets de faible activité à vie courte (équivalent du centre de stockage de l'Aube en France) est situé à Drigg, à 6 kilomètres de Sellafield.
Notre visite de Sellafield a débuté par le centre d'information du site, puis s'est poursuivie par un parcours commenté de l'ensemble des bâtiments. Nous avons pu voir ensuite plus en détail le réacteur de Calder Hall, l'usine de retraitement Thorp, et l'atelier de compactage des déchets de faible activité.
Le centre d'information de Sellafield
Doté de nombreuses animations interactives, très ludiques, s'adressant aux visiteurs de tout âge et de tout niveau de formation, ce centre est un modèle du genre. Parmi les animations proposées, un "atomic theatre" à l'humour très "british" qui présente l'histoire de la découverte de la radioactivité et de la maîtrise de l'atome.
Réacteurs de Calder Hall
Les quatre réacteurs graphite-gaz (UNGG) de Calder Hall d'une puissance thermique de 270 MW par unité (60 MW électriques), ont été mis en service à partir de 1956 et sont toujours en fonctionnement.
Destinés initialement à la fabrication de plutonium à usage militaire, ils contribuent aujourd'hui à la production d'électricité. 25% de cette production alimente les nombreuses installations de Sellafield et 75% est distribuée aux usagers à travers le réseau.
Le combustible utilisé par ce réacteur est de l'uranium naturel (non enrichi) sous forme métallique. La réaction nucléaire est modérée par du graphite (650 tonnes par réacteur) et refroidie par du CO2.
Nous avons été surpris par la localisation à l'extérieur de l'enceinte de confinement des quatre générateurs de vapeur. Le confinement en cas d'accident est cependant assuré par des vannes d'isolement des GV.
Initialement conçus pour fonctionner durant 50 ans, les systèmes de sûreté des quatre réacteurs de Calder Hall ont été renforcés et les réacteurs étant encore en bon état, la question se pose de savoir s'ils ne pourraient pas continuer à fonctionner quelques décennies de plus.
L'usine de retraitement Thorp
Concurrent britannique de l'usine de retraitement de Cogéma-La Hague (capacité de 2x 800 T/an), l'usine Thorp (Thermal oxide reprocessing plant) est d'une construction plus récente que celle-ci, d'une capacité de 1200 T par an, fonctionne depuis 1994, a déjà généré des commandes fermes d'un montant de 12 milliards de £, provenant pour moitié de l'étranger. Thorp a déjà retraité 3000 tonnes de combustible en provenance notamment du Japon, d'Allemagne et de Belgique.
A l'avenir, Sellafield tirera avantage de la localisation en un même lieu de l'usine retraitement (Thorp) et de l'usine de fabrication du combustible MOX (actuellement en attente de démarrage), limitant ainsi les transports et les coûts de fabrication du MOX.
L'atelier de compactage des déchets de faible activité
Cet atelier permet de réduire le volume des déchets de faible activité (essentiellement des tenues, gants, outils de manutention ) d'un facteur 10 environ. Ce compactage est effectué par une impressionnante presse verticale de 2000 tonnes de pression.
L'accident de Windscale
L'accident de Windscale survenu sur l'un des deux premiers réacteurs plutonigènes du site est le plus grave accident nucléaire qui soit survenu en Europe occidentale. Il s'est produit sur ce site en 1957, avec perte du contrôle d'un réacteur, mais sans conséquence très importante, ni durable pour l'environnement. Cet incident de niveau 5 sur l'échelle INES, a entraîné l'arrêt des deux réacteurs concernés, qui sont aujourd'hui en cours de démantèlement.
Globalement, cette visite fut passionnante. Nous tenons à remercier tout particulièrement pour la qualité de l'accueil et les réponses très précises qu'ils ont apportés à nos nombreuses questions Mr Andrew PEARSON (information officer) et Monsieur Allan TURNER (plant guide).
Soulignons que deux jeunes sociétaires étaient invités à cette visite par la SFEN 92 (à l'initiative de sa Présidente, Mme Christiane Chéron) qui contribue ainsi à la formation de la jeune génération pour l'avenir du nucléaire.
Il s'agissait de la première visite organisée en commun entre la SFEN 92 et l'AEPN. Compte tenu du vif succès de cette expérience (tous les participants sont revenus enchantés), nous envisageons d'organiser d'autres actions communes dans l'avenir.
Delphine Plet, Mathieu Gaultier, Bruno Comby
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* Association des Ecologistes pour le Nucléaire , www.ecolo.org