STOCAMINE Alsace

Une solution originale de stockage de déchets industriels non radioactifs : le stockage souterrain réversible en mine, dans une couche de sel

par Christian Floderer, chef du groupe de subdivision du Haut-Rhin,

et Thomas Maurin, chef de division nucléaire, énergie et mines - DRIRE Alsace

 

Note d'introduction de l'AEPN : il est intéressant de connaître les meilleures procédures existantes telles que celles présentées ci-dessous s'appliquant au stockage des déchets chimiques hautement toxiques, qui sont 100 fois plus importants, tout aussi toxiques et dont la durée de vie est bien plus longue (puisqu'elle est éternelle pour nombre d'entre eux) que celles des déchets radioactifs. On constate que ces déchets chimiques hautement toxiques sont bien moins surveillés et les procédures qui leur sont appliquées bien moins strictes que celles s'appliquant aux déchets nucléaires, et le public n'est de plus pas informé de tels projets aussi bien qu'il l'est pour les déchets nucléaires dont on parle davantage alors qu'il sont à la fois moins toxiques (pour certains), produits en bien moindres quantités et durent bien moins longtemps. Il y a donc en quelque sorte deux poids et deux mesures selon qu'il s'agit de déchets nucléaires ou chimiques.

Ouvert en février 1999, le stockage souterrain de déchets industriels toxiques ultimes de la société Stocamine constitue une première en France. Il est en effet installé dans une couche de sel, l'accès étant réalisé par un puits des Mines de Potasse d'Alsace (MDPA). Il est autorisé à recevoir 50 000 tonnes par an (note de l'AEPN : la totalité des déchets nucléaires de haute activité à vie longue retraités puis vitrifiés de la France, cumulés jusqu'en l'an 2000 représente seulement 2000 m3 en 50 ans, à comparer à ces 50 000 tonnes par an) ; la capacité totale de la première tranche du stockage est de 320 000 tonnes, la durée d'autorisation est de trente ans. (que se passera-t-il après 30 ans ? qui paiera ?)

 

Déchets stockés

Stocamine est destiné à recevoir deux types de déchets: d'une part ceux qui ne peuvent être accueillis dans des stockages de surface (la destination de ces déchets était jusqu'ici des mines allemandes), d'autre part les déchets industriels spéciaux pouvant être acceptés en décharge de classe I (il n'existe pas de telle décharge en Alsace).

Les déchets arrivent par rail ou route, conditionnés selon leur nature: big bag (double conditionnement en sacs plastiques) pour l'amiante ou les résidus d'épuration de fumée d'incinération, fûts métalliques avec emballage interne et bouchon de plâtre pour certains sels de trempe… Ils sont contrôlés, échantillonnés, répertoriés colis par colis dans un système informatique qui permet de les localiser dans le stockage, et répartis en classes de compatibilité qui seront par la suite rigoureusement isolées les unes des autres.

Les déchets liquides ou gazeux, inflammables, explosifs et radioactifs sont exclus du stockage par arrêté préfectoral. (note de l'AEPN : il s'agit de déchets solides mais non inertes ; les déchets chimiques hautement toxiques dont il est question ici ne sont pas vitrifiés et ainsi rendus inertes comme le sont les déchets nucléaires de haute activité).

Le fonctionnement du centre de stockage

La descente des déchets se fait par un puits de mine, situé en entrée d'air. Les déchets sont ensuite acheminés par camion navette. Le stockage est constitué d'un quadrillage de galeries perpendiculaires creusées pour cela (et ne provenant pas de l'ancienne exploitation minière) dans le sel gemme, à 600 mètres de profondeur (20 mètres sous la couche de potasse, au niveau utilisé par les galeries de service). Il est totalement séparé de la nappe phréatique alluviale du Rhin par 300 mètres de marnes et 300 mètres de sel. Il est totalement sec. La température y est constante et modérée (35°) (note de l'AEPN : dans les projets de sites de stockages de déchets nucléaires, la seule étude des températures et leur évolution dans le temps ne se traite pas sommairement ainsi et fait l'objet d'études minutieuses pendant des années). Les galeries et piliers, calculés pour assurer leur stabilité à long terme, sont renforcés par soutènement suspendu. Des mineurs expérimentés contrôlent régulièrement leur état.

Une contrainte majeure, la réversibilité

Depuis la loi du 13 juillet 1992, un stockage souterrain de déchets toxiques doit répondre à une contrainte majeure: la première autorisation est donnée à titre temporaire. Si elle n'était pas renouvelée, les déchets devraient être remontés. Le stockage a donc été conçu pour permettre la réversibilité. La taille des piliers a été calculée pour assurer leur stabilité à long terme. La position de chaque colis est repérée ; un échantillon est stocké dans les mêmes conditions au fond, au cas où le déchet devrait être réexpédié vers une autre filière de traitement. L'empilement des colis permet une reprise (palettisation, gerbage sur deux hauteurs seulement). Les interstices entre les colis sont laissés libres, contrairement à ce qui se fait dans certaines mines allemandes, où l'on projette du sel pulvérulent entre les colis pour que le fluage des galeries crée le plus rapidement possible une gangue protectrice contre d'éventuelles infiltrations.

La mise en œuvre de la réversibilité suppose également des moyens financiers : à cette fin l'exploitant constitue un fond de garantie, alimenté à hauteur de 250 francs (38,11 euros) la tonne. Fructifiant pendant la période de dépôt du déchet, ce fonds doit permettre d'assurer, si la décision en était prise, la remontée et un autre traitement. Stocamine étant une société de droit privé, la technique financière retenue permet à l'exploitant de conserver le montant de ce fonds dans le patrimoine de l'entreprise, au cas où une autorisation définitive de stockage serait obtenue. La réversibilité a des conséquences importantes sur les coûts de prise en charge et il faut se souvenir que l'industrie du traitement des déchets est un secteur concurrentiel. (note de l'AEPN : cet argument est-il recevable lorsqu'il s'agit de protéger l'environnement ?)

Sécurité pendant la phase de stockage réversible

En surface, la situation du carreau de mine à proximité de zones habitées a imposé de ne pas effectuer d'opérations de conditionnement de déchets et de limiter à quelques jours le temps de séjour des déchets avant descente ; dans ces conditions, le risque principal est celui de l'incendie d'un camion de transport. Des moyens de lutte classiques ont été prévus ; la zone de stockage est séparée de la zone de circulation par un mur coupe-feu. Un bassin de confinement des eaux d'extinction a été installé.

Dans la partie souterraine, la sécurité repose d'abord sur la nature des déchets : en milieu confiné, ils ne doivent être ni inflammables, ni explosifs, ni gazeux ou liquides. Ils ne doivent pas être instables à la températures du fond, ni bien sûr radioactifs. Si l'on ajoute que, comme tout déchet mis en décharge, ils doivent être ultimes, c'est-à-dire non susceptibles dans les conditions techniques et économiques du moment d'être détruits ou rendus moins nocifs, on comprend que les déchets doivent être très précisément caractérisés.

La prévention des risques miniers ne nécessite pas d'adaptations par rapport aux techniques minières classiques : l'arrêté d'autorisation renvoie donc à la réglementation minière en ce qui concerne la prévention des risques de chute de colis dans les puits, la prévention du risque grisou, les tenues de terrain et chutes de bloc, l'organisation du roulage. A moyen terme, ce volet de la sécurité pourra poser problème lorsque Stocamine ne sera plus adossé à une mine en activité : le maintien de compétences minières sera une contrainte essentielle.

L'aérage (circulation de l'air) est conçu de façon que les déchets ne soient jamais en amont de secteurs où travaillent des ouvriers mineurs, par exemple ceux qui creusent les futures zones de stockage. De même, pour des raisons de débit d'air disponible, les galeries complètement remplies seront isolées par des murs, un accès permettant néanmoins le contrôle de l'atmosphère. Comme dans tout ouvrage souterrain( ou tunnel) un incendie serait difficile à combattre si il n'était pas éteint dès son début et pourrait conduire à des températures extrêmement élevées vaporisant les déchets. Les engins de transport constituant le potentiel calorifique le plus important, leur circulation est particulièrement surveillée. Enfin, un barrage d'urgence par déversement de sable depuis une galerie supérieure a été prépositionné pour pouvoir isoler rapidement le stockage de l'entrée d'air.

Devenir à long terme du stockage

La loi impose à un stockage souterrain de déchets une période d'autorisation temporaire d'au moins 25 ans. Après celle-ci, une autorisation définitive peut être demandée sur la base d'un bilan écologique et d'une évaluation de solutions alternatives. On peut penser que la décision prendra en compte deux problématiques, concernant d'une part les déchets, d'autre part l'innocuité du stockage à long terme :

- Les déchets : la réversibilité a pour but de ne pas obérer les possibilités de revalorisation ultérieure de certains déchets contenant par exemple des métaux. Tous les trois ans, un audit externe sera effectué, qui comprendra une revue de l'état de la technique.

- L'innocuité du stockage à long terme : le dossier d'étude d'impact comprend un scénario majorant, qui est la mise en communication du stockage, par les puits remblayés, avec la nappe phréatique alluviale du Rhin. Entre deux puits de profondeur différente s'établirait une circulation qui passerait par le stockage, se saturerait en produits toxiques et les véhiculerait jusqu'à la nappe superficielle : le critère est que cet apport ne porte pas atteinte à la potabilité de l'eau. Le caractère réaliste de ce scénario n'est pas évident, les puits de profondeur différente étant distants de plusieurs kilomètres et l'introduction d'eau dans le stockage pouvant conduire au contraire à l'obturation complète de celui-ci. Néanmoins, ce scénario permet de fixer des objectifs de qualité pour le remblayage des puits. Les derniers bouchages de puits effectués par les MDPA ont été dans ce but expertisés par l'INERIS. On peut de même envisager de suivre le débit de percolation dans un puits obturé maintenu accessible depuis le stockage, ou de mener in situ des expériences de comportement de saumures saturées en équilibre thermique total… Dans les années qui viennent, il faudra affiner ces réflexions, mener les études correspondantes, mais aussi observer le stockage, vérifier l'absence de venues d'eau par exemple par un ancien sondage, contrôler l'absence de dégagement de gaz depuis les déchets .

L'accompagnement du projet

" Stocamine, un nouveau visage de la mine "… tel était le titre d'une brochure d'information diffusée lors de l'enquête publique. En 2004, prendront fin cent ans d'exploitation de la potasse. Partie intégrante des actions de reconversion du bassin potassique, Stocamine permet de faire vivre, même pour un effectif restreint, le métier de mineur. Il comporte le maintien en l'état de chevalements, puits, galeries et bâtiments, dont a besoin un autre projet, celui de musée de la mine. Ces facteurs forts d'acceptation ont été renforcés par la constitution d'un pôle de recherche sur les déchets et l'environnement, qui commence à prendre corps, avec l'implantation d'entreprises spécialisées dans les études de sol ou le traitement de terres polluées.

Un groupement d'intérêt public (GIP) a été constitué pour permettre en toute transparence une contribution de Stocamine aux projets de la commune d'accueil, Wittelsheim.

La Commission locale d'information et de surveillance regroupe l'exploitant, les élus, les associations écologistes, l'administration et les syndicats de mineurs. C'est un lieu de débats toujours vifs, où, sans renoncer à leur opposition de principe, les associations d'opposants peuvent exercer un contrôle sourcilleux et techniquement très pointu, qui s'ajoute à l'action réglementaire de contrôle menée par la DRIRE au titre des installations classées pour la protection de l'environnement.

Date de mise à jour : 28/02/2001

STOCAMINE A CESSE SON ACTIVITE DEPUIS :

ARTICLE DU 10.09.03 : Stocamine cesse ses activités de stockage

Il n'y aura plus de stockage souterrain de déchets industriels ultimes en France. Stocamine, le seul site de ce type installé depuis février 1999 dans une ancienne mine de potasse à Wittelsheim, près de Mulhouse (Haut-Rhin) a annoncé, lundi 8 septembre, l'arrêt définitif de son activité de stockage. Celle-ci avait été suspendue le 10 septembre 2002 par le préfet du Haut-Rhin à la suite d'un incendie.

"L'étroitesse du marché français des déchets de la classe 0, la concurrence d'un site d'enfouissement allemand et des décharges de surface de classe 1 ne permettent pas d'assurer l'équilibre financier du projet", ont indiqué les actionnaires de Stocamine, qui sont l'Entreprise Minière et Chimique, contrôlée par l'Etat et le groupe Séché.

Les 24 salariés de Stocamine continueront d'assurer la surveillance des 45000 tonnes de déchets (notamment des résidus d'incinérateurs), stockèes à 600 mètres de profondeur. L'incendie de Stocamine avait contraint les Mines de Potasse d'Alsace à anticiper leur fermeture en octobre 2002.(Corresp.)