DE L’ASSOCIATION DES ECOLOGISTES POUR LE NUCLEAIRE (AEPN)
AU SOMMET MONDIAL DE JOHANNESBOURG
AOÛT 2002
En matière d’impact de l’accroissement de l’effet de serre sur le climat, peu de choses sont parfaitement prouvées.
Un élément majeur est clairement établi et n’est plus sérieusement contesté : le globe terrestre, pour rester en équilibre thermique, restitue, principalement sous forme de rayons infra-rouges, toute l’énergie qu’il reçoit du soleil. Or il est prouvé que le gaz carbonique et le méthane ne sont pas parfaitement transparents aux rayons-infrarouges émis par la Terre. La quantité de rayonnement solaire moyen parvenant sur terre étant constante, l'augmentation de la teneur de ces gaz dans l'atmosphère terrestre retient une plus grande partie du rayonnement réémis, entraînant une élévation de la température, modifiant l’équilibre thermique naturel de la planète : c’est le phénomène d’accroissement de l’effet de serre.
La communauté scientifique mondiale est, en ce qui concerne les conséquences de ce phénomène, dans le domaines des présomptions : mais elles sont fortes , nombreuses et porteuses d’évènements catastrophiques voire cataclysmiques, prochains ou lointains. La probabilité élevée de ces drames et la gravité des conséquences qui peuvent en résulter entraîne l’application raisonnable et urgente du PRINCIPE DE PRÉCAUTION.
Le souci de Développement durable ne peut s’affranchir de ce principe.
Pour la plus grande part, l’accroissement de l’effet de serre est dû au gaz carbonique produit par les hommes. Celui-ci provient, pour l’essentiel, de la consommation de combustibles fossiles carbonés : charbon, pétrole, gaz naturel qui représentent aujoud'hui environ 90% de la consommation énergétique mondiale.
QUE PEUT-ON Y FAIRE alors que 20% des hommes dévorent aujourd’hui, chaque année, plus de la moitié de la consommation énergétique mondiale tandis que les autres 80% en sont avides? QUE PEUT-ON Y FAIRE alors que les riches d’aujourd’hui ont bâti leur richesse et leur bien-être sur la consommation d’énergie qui a permis le développement industriel ? QUE PEUT-ON Y FAIRE alors que les moins riches et les pauvres d’aujourd’hui veulent se développer et ne pourront le faire sans accroître considérablement leurs consommations énergétiques ? QUE PEUT-ON Y FAIRE alors que les ressources de combustibles fossiles ne sont pas inépuisables, alors que les hommes consomment chaque année, en polluant l’atmosphère, ce que la nature a mis 2 millions d’années à fabriquer, alors que les réserves de pétrole et de gaz naturel s’expriment en décennies et que les découvertes d’hydrocarbures ne compensent plus les consommations ? QUE PEUT-ON Y FAIRE qui soit à la fois sûr, propre et durable ?
L’AEPN (EFN) pense que, face à ce gigantesque problème, les hommes, et en particulier les pays développés (OCDE), doivent engager plusieurs types d’actions :
1. Réduction du gaspillage : Chaque homme du pays le plus riche consomme 50 fois plus d’énergie et produit donc 50 fois plus de gaz carbonique que chaque homme du pays le plus pauvre. Les pays riches (OCDE) se sont développés dans un contexte de gaspillage énergétique. Sans réduire leur qualité de vie ils pourraient réduire leurs consommations d’énergie de plusieurs dizaines de % : l’étude du Commissariat Général au Plan de la France (1997) indique, pour ce pays (mais on peut croire que la conclusion serait la même pour les autres pays de l’OCDE), un potentiel d’économie supérieur à 40% avec les meilleures technologies disponibles en 1995. Une telle économie exigera du temps, car elle implique un changement de culture ; paradoxalement elle commencera par coûter cher, mais les enjeux sont vitaux.
Une analyse mondiale portant sur près de 100 pays, des plus riches aux plus pauvres, ne montre, au delà d’une consommation énergétique de 1,5 tep/hab/an, aucune corrélation entre l’espérance de vie à la naissance -paramètre choisi parmi d’autres- et la consommation d’énergie. Rappelons ici que la consommation annuelle du pays le plus gourmand est de 8 tep/hab/an (tonnes équivalent pétrole par habitant et par an). Les pays riches devraient inciter et aider de leur expérience naissante en ce domaine les Pays en Voie de Développement (PVD) à se développer dans un contexte de bonne efficacité énergétique c’est-à-dire d’intensité énergétique minimum, sans passer par l’ère du gaspillage dans laquelle certains d’entre eux sont déjà entrés. Il est réconfortant de noter que la Chine est déjà dans un processus de réduction de son intensité énergétique. Cette action d’efficacité énergétique a bien sûr ses limites : on ne peut demander aux plus pauvres d’économiser sur ce qu’il ne consomment pas ! Les économies d'énergie sont donc nécessaires, mais pas suffisantes.
2. Développement des énergies nouvelles renouvelables : Les énergies nouvelles renouvelables (E.N.R.) que sont le vent et le soleil sont porteurs d’espoirs immédiats. Le vent et le soleil , gratuits, inépuisables, disponibles, non émetteurs de gaz à effet de serre et non dangereux, sont une bonne solution si l’on sait s’accommoder de leur intermittence et du prix de revient élevé que leur confère leur propriété d’énergie douce, et du problème environnemental que représentent les batteries. Les éoliennes, en particulier, devraient permettre d’apporter le plus tôt possible l’électricité aux populations isolées et dépourvues de réseau de distribution, nombreuses en Afrique et en Asie : 2 milliards d’hommes, c’est à dire 1 sur 3, n’ont pas encore accès à l’électricité. Grâce aux éoliennes, ils pourraient en disposer rapidement.
Par contre, dans les pays riches, le développement des énergies éolienne et solaire ne devrait pas dépasser, sauf cas particuliers économiquement justifiés, outre celui de satisfecit politiques fort onéreux et sans justification économique, le stade du champ d’expérimentation nécessaire aux constructeurs en vue de la vente à l’exportation vers les PVD de matériels éprouvés.
Nous croyons que l’énergie solaire photovoltaïque peut également aider les PVD. Cependant son coût très élevé, beaucoup plus encore que celui de l’énergie éolienne, lui réservera probablement un avenir plus modeste, en tout cas à court et moyen terme, que celui de l’énergie éolienne. L'énergie solaire présente néanmoins un grand intérêt pour les usages thermiques tels que la production d'eau chaude domestique qui devraient être davantage encouragée, que ce soit dans les pays développés ou en développement, ainsi que pour la cuisson des aliments (possiblité de développer des "cuiseurs solaires" efficaces et peu onéreux, notamment pour les PVD particulièrement ensoleillés).
Cependant, dans le bilan énergétique mondial, ces énergies nouvelles renouvelables, à cause de leur caractéristique d’énergies douces, ne prendront pas plus qu’une place modeste au cours du XXIème siècle.
3. L’énergie nucléaire : Les réacteurs à neutrons thermiques actuellement exploités dans les pays de l’OCDE ne contribuent aucunement à l'effet de serre et ont encore un large potentiel de développement dans ces pays ainsi que dans tous les pays émergents. Une récente étude de l'AEN (Agence pour l'Energie Nucléaire, une agence de l'OCDE) montre que l'utilisation de l'énergie nucléaire par les pays de l'OCDE permet d'éviter le rejet dans l'atmosphère de 1200 millions de tonnes de CO2 chaque année, soit bien plus que les objectifs de réduction des émissions proposés à Kyoto, et qui ne seront malheureusement pas tenus, de nombreux pays, notamment parmi les plus gros consommateurs, ayant continué à augmenter leurs émissions au lieu de les réduire depuis 1990. Les réacteurs nucléaires actuels apportent donc une contribution importante déjà actuellement et pourront être utilisés par un nombre croissant de pays dans l'avenir. Malgré leur nombreux avantages, le coût de construction élevé des réacteurs à neutrons thermiques, leur grande dimension, l'infrastructure industrielle nécessaire et la grande culture de sûreté qu’implique leur exploitation en font, pour longtemps encore, des outils inadaptés à de nombreux PVD. La communauté nucléaire internationale devrait donc s’efforcer d’accélérer le développement des réacteurs de petite et moyenne puissance à haute température (HTR) et à sécurité intrinsèque, avec un meilleur rendement, plus adaptés à ces pays qui représenteront, demain, l'essentiel de la consommation énergétique mondiale. L'Afrique du Sud joue d'ailleurs un rôle important de ce point de vue, avec le développement du PBMR (Pebble Bed Modular Reactor). Durant les deux ou trois décennies que demandera ce développement, les pays les plus avancés devraient aider les PVD à développer leur infrastructure industrielle et leur culture de sûreté afin qu'ils puissent eux aussi bénéficier d'une énergie nucléaire propre et respectueuse de l'environnement. Mentionnons que ces petits réacteurs pourront co-générer du chauffage urbain et fabriquer de l’eau douce par dessalage.
Les réacteurs à neutrons thermiques actuels n’utilisent qu’une petite fraction (1%) du potentiel énergétique contenu dans l’uranium : il faudra donc, dans l’esprit du développement durable, généraliser les filières économes en matière première, par exemple les filières à neutrons rapides, et développer le retraitement des combustibles nucléaires usés.
Rappelons enfin que les ressources d’uranium sont beaucoup plus importantes que celles considérées comme exploitables aujourd’hui : si l’on accepte par exemple de décupler le coût du minerai d’uranium, l’impact sur le coût du kWh électrique nucléaire ne sera pas plus élevé que l’impact de +10$/bbl sur le coût du kWh pétrole. Le monde dispose ainsi en réalité de réserves d’uranium chiffrables en milliers d’années avec les réacteurs actuels et en dizaines de milliers d'années avec d'autres filières de réacteurs déjà éprouvés (à comparer aux quelques décennies de ressources pétrolières et gazières). Et les ressources potentielles de thorium sont encore bien plus grandes.
L'énergie nucléaire ne doit pas être mis à l'écart des mécanismes de développement propre (MDP), et maintenir une telle attitude alors que l'énergie nucléaire contribue déjà massivement à la protection de l'environnement à l'échelle planétaire, et pourrait y contribuer encore plus - tout en diminuant les risques ainsi que la quantité et la toxicité des déchets transmis aux générations futures, serait une immense erreur de proportion historique, peut-être la plus grande erreur de l'histoire de l'humanité. Nos enfants et petits enfants ne manqueraient pas de nous reprocher sévèrement dans le futur - et à juste titre - d'avoir refusé, sur de simples bases idéologiques et par aveuglement, d'étudier et de mettre en oeuvre une des solutions parmi les plus efficaces pour faire face aux problèmes que l'humanité doit aujourd'hui affronter.
4. Les échanges de permis d’émission, trop vite critiqués par des moralistes qui avaient mal réfléchi au problème, permettront, à notre avis, à condition d'être sérieusement encadrés et correctement définis, d’accélérer la réduction des émissions car ils réduiront l’impact économique négatif de cette réduction. Il s'agit d'encourager ainsi le développement des économies d'énergie, et de financer avec l'argent ainsi généré le développement nécessaire et souhaitable des pays les plus pauvres, les économies d'énergie, et l'émergence des énergies et des technologies les plus propres, parmi lesquelles notamment les énergies renouvelables et les nouvelles générations de réacteurs nucléaires propres et respectueux de l'environnement.
Outre qu’elles sont de sages précautions ces actions nous rapprocheront des exigences du PRINCIPE DE NATURALITÉ, proposé par l'AEPN, en complément du PRINCIPE DE PRECAUTION, afin d'éviter que la planète ne fasse l'objet de dégradations globales, de plus en plus graves, et débouchant sur des conséquences pouvant être irréversibles :
" Un développement est acceptable s’il n’a, sur les paramètres environnementaux, aucun impact excédant, en rythme et en ampleur, les variations naturelles dans le temps et dans l’espace, de ces paramètres. "
Les tendance des émissions actuelles et à venir de gaz à effet de serre (G.E.S.) ne respectent ni le PRINCIPE DE NATURALITE ni le PRINCIPE DE PRECAUTION.
Les actions recommandées par l’AEPN tendent toutes au respect de ces deux Principes. Il est urgent d'agir.
Document rédigé par : Jacques FROT, animateur du Groupe de Communication de l’AEPN, Porte-parole pour l’Effet de Serre, et : Bruno COMBY, Président de l'AEPN
Août 2002.
Ce document est disponible en deux versions sur le site internet de l'AEPN :
Version française :
"COMMUNICATION
DE L'ASSOCIATION DES
ECOLOGISTES
POUR LE NUCLEAIRE
(AEPN)
AU SOMMET MONDIAL DE
JOHANNESBOURG"
http://www.ecolo.org/documents/documents_in_french/joburg2002-positionpaper.fr.htm
Version anglaise :
"COMMUNICATION OF THE ASSOCIATION OF ENVIRONMENTALISTS FOR
NUCLEAR
ENERGY (EFN) AT THE JOHANNESBURG WORLD SUMMIT"
http://www.ecolo.org/documents/documents_in_english/joburg2002-positionpaper.en.htm
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