1- La course à l'éolien
Parmi les énergies renouvelables, l'éolien est d'installation relativement aisée, rapide, et pas trop coûteuse à l'unité d'éolienne (mais pas au kWh produit).
La Commission Européenne, dans une étude exhaustive et sérieuse ("Etude ExternE") sur les coûts dits "externes" des différentes énergies, c.à d. les nuisances et problèmes de santé de tous ordres, accidents mortels ou autres, estime que l'énergie nucléaire et l'éolien sont les deux énergies dont les coûts externes sont les plus bas. Ceci tient compte des statistiques de fonctionnement et des accidents (y compris Tchernobyl, accident "unique" et soviétique, le traitement et le stockage des déchets nucléaires etc.) mais ne tient pas encore compte de l'effet de serre (quasi-nul de toutes manières pour ces deux types d'énergie).
Les gens qui n'aiment pas l'énergie nucléaire pour différentes raisons que l'on ne développera pas ici sont donc portés vers l'énergie éolienne, d'autant que le Danemark et la RFA se sont lancés dans des programmes importants en éolien, suivis par l'Espagne. Ces exemples, abondamment médiatisés, ont beaucoup fait pour promouvoir l'énergie éolienne ("Le Danemark, bon élève...", etc)
2. La réalité
Malgré ces programmes importants et les côtes ventées du Danemark, qui produit son courant électrique essentiellement avec des centrales à charbon, seulement 7 % de l'électrcicité danoise est d'origine éolienne, et lorsque le vent faiblit, notamment lors des grands froids ou des grandes chaleurs, le Danemark, comme l'Allemagne, doit compter sur ses centrales au charbon et sur les interconnexions des réseaux, pour se dépanner. Toutefois, en février dernier, l'Allemagne a dû, par manque de vent, tirer sur le réseau français via la Belgique, et il s'en est fallu de peu que l'interconnexion franco-belge, anormalement sollicitée, ne saute, ce qui aurait créé un black-out du nord de l'Europe, comme ce qui s'est produit aux USA cet été.
Les grandes éoliennes modernes peuvent avoir des puissances nominales de 3000 à 5000 kilowatts (3 à 5 MW). Mais dans nos régions où le vent n'est pas stable, il faut compter sur un rendement de 25 à 30 % et le débit est aléatoire en fonction de la météo; comme le courant ne se stocke pas, il faut prévoir les secours nécessaires, sous forme du réseau ou de groupes diesels ou autres, pour les 2/3 ou les 3/4 du temps. Il faut compter plus de 1000 éoliennes modernes pour produire l'énergie d'une centrale thermique (gaz, charbon ou nucléaire) de 1000MW sur laquelle on peut compter 95 % du temps.
Par ailleurs, ces grandes éoliennes de plus de 100m de haut sont installées à 350 m les unes des autres, ce qui prend de la place. Le bruit de nos jours n'est pas très gènant , sauf à proximité (100 à 200 m). On a rapporté des interférences avec la réception de la télévision dans certains cas. La nuisance visuelle dépend des sites. L'éolienne fonctionne dans une plage assez étendue de vitesses de vent, toutefois elles se mettent en drapeau par grands vents pour se protéger et elles ont un seuil de démarrage si elles partent de l'arrêt (à telle enseigne qu'Ontario Hydro au Canada en a équipé certaines avec un moteur électrique pour les maintenir en rotation).
Le prix de revient du kWh éolien est plus élevé que le prix de revient du kWh nucléaire ou gaz (environ 6 centimes d'Euro contre 3,7 pour le gaz et 3,5 pour le nucléaire en France). Mais pour l'instant le kWh éolien est subventionné en Europe.
3- L'effet de serre et les recommandations européennes.
Afin de contrecarrer les émissions de CO2 notamment, la Commission a recommandé (décidé ?) que les pays membres s'équipent de 21 % d'énergies renouvelables en électricité d'ici 2010, c. à d. hydraulique petit ou grand, bois et autres biomasse, éolien, solaire, géothermie etc...Cet objectif a été repris dans le Livre Blanc sur les Energies préparé récemment par le Ministère de l'Industrie en France. Il est fort vraisemblable que peu de pays atteindront ce but, mais des pays comme le Danemark ou la RFA s'équipant avec le gaz russe au lieu de brûler du charbon, émettront moins de CO2, car le gaz émet moins de CO2 pat kWh que le charbon. Pour la France (qui émet du CO2 surtout travers les transports, le chauffage domestique au fuel et l'industrie) puisque 75 % de l'électricité est nucléaire et 15 % hydraulique, il reste en gros 10 % aujourd'hui à combler, un peu plus en 2010. Les 21 % seront difficiles à atteindre si ils proviennent principalement de l'éolien. Et surtout, ce n'est pas nécessaire ! Cette obligation pour la France est injuste, car les émissions de CO2 de chaque Français sont la moitié de celles des Danois, Allemands, Britanniques qui utilisent des énergies fossiles. Toutefois, la Verte ministre Voynet a voulu s'y plier.
D'où la frénésie actuelle pour l'éolien. Le SER (Syndicat des Energies Renouvelables, président M. Antonioni) et Jeumont-Schneider se frottent les mains avec la perspective de 6000 à 10 000 éoliennes nouvelles; les Danois sans doute aussi, qui vendent beaucoup d'éoliennes.
Conclusion.
Les éoliennes sont certainement fort utiles dans des pays en développement qui n'ont pas de réseau électrique connecté, ou pour des îles, etc., pour produire de l'électricité, de l'irrigation, du dessalement, ces dernières opérations pouvant être discontinues sans inconvénients majeurs. Il est bon d'en avoir construit quelques unes en France pour se faire la main et pour être sur le marché. En revanche s'équiper massivement sur le territoire national français est une hérésie et un non-sens coûteux compte tenu de notre équipement hydro-nucléaire et du maillage du réseau. Déjà l'EDF a demandé au Gouvernement l'autorisation d'augmenter ses tarifs sous divers prétextes dont celui de faire face à l'achat non économique de kWh éoliens dont elle n'a que faire.
Il serait beaucoup plus utile, pour abaisser les émissions de CO2 en France, de s'attaquer aux problèmes du transport en facilitant le ferroutage des poids lourds, les véhicules urbains électriques, les véhicules bi-mode diesel-électriques, etc., car en France le CO2 vient aujourd'hui surtout de ce secteur, avec le chauffage au fuel et l'industrie lourde - qui a fait de gros progrès par ailleurs. Sans compter avec des économies possibles d'énergie.
La question des municipalités intéressées par le chiffre d'affaires généré par les éoliennes est actuellement un problème de distorsion politique : ces communes manquent de fonds pendant que d'autres à proximité de gigantesques centrales nucléaires, ne savent plus quoi faire de la manne qui leur échoit, et que la Bretagne, qui ne veut pas s'équiper, ne produit que 4 % de l'électricité qu'elle consomme : ou bien on construit 10 000 éoliennes en Bretagne, ou bien on fait maintenant une meilleure péréquation de la manne électrique, les communes avoisinantes s'étant largement équipées et ne risquant pas grand'chose en cas d'incident nucléaire de toutes manières.... Mais ceci est une autre histoire.
Michel Lung
Références : voir site http://www.ecolo.org/documents/listdoc-dr.htm#eole