Communiqué SLC
Notre premier communiqué du 24 /5/ 2007 sur les biocarburants concluait :
« qu'il fallait intensifier les recherches sur les biocarburants de 2ème génération, les seuls qui apportent une solution quantitativement intéressante et qu'un consensus scientifique sur les gains en CO2 s'imposait, pour une évaluation précise des conséquences environnementales associées à leur production »
De nombreuses réserves peuvent en effet être faites sur l'intérêt des filières actuellement prônées et tant vantées par certains: la filière éthanol (utilisant des plantes sucrières ou céréalières) et la filière huile (à base de graines d'oléagineux). Ces réserves portent autant sur la capacité de répondre par ces voies, aux besoins de mobilité, que sur la réalité des baisses des rejets de CO2 annoncées.
Alors qu'actuellement, le pourcentage d'utilisation de biocarburants dans les transports terrestres est proche de 1 %, la France s'est engagée à aller de l'avant et à suivre, voire même à dépasser l'objectif fixé, par la Communauté Européenne qui fixe, pour 2010, un taux de 5,75% de présence de carburants d'origine végétale dans les consommations globales d'essence et de gazole utilisés dans les transports. Pour remplir cet objectif, il faudrait mettre en culture environ 1,9 millions d'hectares supplémentaires, soit plus que la surface en jachère(*).
Les capacités d'incorporation sont d'autant plus limitées que l'on fait un bilan net et que l'on tient compte, à tous les stades, de la culture à la transformation, des besoins énergétiques propres à ces filières. Pour obtenir les biocarburants, il faut, en effet, dépenser une énergie très importante, surtout pour la filière éthanol de première génération produite à partir de cultures européennes (céréales, betteraves). En réalité, en défalquant l'auto consommation, ce ne seraient pas 5.75 % mais moins de 3 % de la consommation de carburants qui seraient couverts.
A cette question de la capacité nette d'incorporation dans les carburants, s'ajoute celle de la réalité des gains sur les rejets de CO2 annoncés. Pour l'éthanol, à partir de cultures européennes, le bilan sur le gain en rejets de CO2 ne serait que de 25 % par rapport à l'essence remplacée. Ainsi, le « flex fuel » ou E85 européen ne serait une énergie « renouvelable » qu'à hauteur d'environ 20 %. Le biodiesel produit à partir de colza est plus performant. Le gain sur les rejets de CO2 par rapport au gazole remplacé, serait proche de 45 %; c'est mieux, mais la qualité de renouvelable mériterait, là aussi, d'être relativisée. Globalement, avec 2/3 de biodiesel et 1/3 d'éthanol, les 5,75 % de biocarburants imposés par l'Union Européenne ne permettraient d'éviter que 2 % des rejets de CO2 dus aux transports routiers.
De gros efforts pour un maigre résultat malgré de grands effets d'annonces
. Ce constat n'est pas original et l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques l'a clairement exprimé par la voix de MM. Pierre LAFFITTE et Claude SAUNIER, dans le Rapport OPECST (n°131 : 2007-2008). Ce rapport (voir annexe) mentionne que le « bilan carbone reste discutable » et évoque aussi les effets sur la biodiversité.
Le gouvernement semble en avoir pris partiellement conscience, comme peut le laisser entendre l'extrait suivant, du discours de fin de Grenelle du Président de la République :
« Nous devons revoir la politique de soutien aux biocarburants pour l'avenir et, sans remettre en cause les engagements pris, je souhaite que la priorité soit donnée au développement des biocarburants de deuxième génération plus pertinents face au défi environnemental et alimentaire. »
Sauvons le Climat considère, que cette remise en cause du soutien au développement de la filière de 1° génération s'impose dès à présent, avec comme exigence majeure, l'estimation de la réalité du gain sur les rejets de CO2 et celle du coût de la tonne de CO2 évitée ?
Faut-il aller au delà des engagements déjà pris au niveau européen ? Nous ne le pensons pas. Il faudra mener une action vigoureuse auprès des instances européennes, qui en dépit de toutes les alertes, viennent de confirmer, dans leur projet de directive sur les énergies renouvelables:
« Members States shall ensure that their share of renewable energy sources in transport in 2012 is at least 6,5 % »
« by 2020 a 10 % binding minimum target to be achieved by all Members States for the share of biofuels in overall UE transport petrol and diesel consumption by 2020 »
Puisque, en 2012, seuls les biocarburants de première génération sont envisageables, il est urgent de faire la vérité sur leurs bilans énergétiques et carbone et cesser d'être aveugles sur la réalité. En ce qui concerne les carburants de deuxième génération, envisageables pour 2020, il faudrait éviter de se précipiter et de faire les mêmes erreurs d'appréciation qu'avec ceux de première génération. La ressource de matière première (forêt, déchets agricoles..) est certes largement supérieure à ce qu'elle est pour les cultures de première génération, mais la consommation d'énergie pour produire les biocarburants aussi. II est donc essentiel de bien évaluer les bilans énergétiques et les bilans CO2, avant de souscrire à de nouveaux engagements et de toujours se poser la question : combien de CO2 évité et à quel coût la tonne ? Il faudrait aussi évaluer l'impact écologique d'une utilisation accrue de pesticides et d'engrais. Il faudrait enfin ne pas pénaliser les cultures vivrières ou provoquer l'envolée de leurs cours.
Sauvons le Climat demande :
- que les engagements contraignants visent la réduction nette des rejets de CO2 et non les quantités de carburants fossiles remplacés par des agro-carburants.
- que la vérité, là comme ailleurs, s'impose pour prendre les bonnes orientations pour déterminer où mettre l'argent en priorité , en se basant, notamment, sur le coût réel du carbone évité.
« PROCLAMER UN MORATOIRE »
« L'objectif européen d'inclure, d'ici 2012, 5,75 % de biocarburants dans les combustibles automobiles partait d'une excellente intention. Mais, s'appliquant à des technologies dont le bilan carbone reste très discutable, sa réalisation a eu des effets pervers tant sur la biodiversité européenne que sur la biodiversité mondiale.
.En Europe, cette politique a eu pour conséquence d'activer le forçage des sols et, dans certains cas, d'aboutir à la suppression des mesures qui avaient été établies pour préserver la biodiversité des milieux agricoles. Ainsi, en France, on a supprimé l'obligation de maintenir les bandes enherbées aux abords des champs de colza situés près des ruisseaux, pour accroître les surfaces destinées à la production de biocarburant.
A l'extérieur de l'Europe, cette poussée de demande de biocarburants a été un des facteurs d'accélération de la déforestation tropicale, en particulier dans le Sud-est asiatique.
Il semble donc souhaitable de proclamer un moratoire européen sur la progression de l'utilisation des biocarburants après 2012, en attendant la maturité des biocarburants de deuxième génération (catalyse enzymatique de la filière ligno-cellulosique) »
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* La mise en jachère, avec les aides associées, fait suite à la réforme en 1992 de la Politique Agricole Commune (PAC) .Cette réforme visait à faire face aux excédents agricoles de l'Europe, qui subventionnés à l'exportation, avaient un trop fort impact sur le budget communautaire. La possibilité de cultiver ces jachères à des fins non alimentaires a été ouverte, tout en bénéficiant de l'aide compensatoire à la jachère. Si on ajoute qu'une fiscalité fortement allégée a été prévue pour les biocarburants, les incitations étaient multiples pour voir un démarrage de la filière, déjà au niveau agricole et il fallait que l'industrialisation suive.