Robert Baschwitz, 19 mai 2002
Je me souvenais de conversations avec Jacques Gollion, un des pionniers des rapides au sodium, m'expliquant qu'on maîtrisait très bien les incidents liés à la réactivité du sodium dans les rapides. Je lui ai demandé de préciser comment. Je vous communique sa réponse:
"D'abord les feux de sodium... il y a deux effets réduisant les feux de sodium à des phénomènes pas très graves. Le premier est la faible chaleur dégagée par la combustion : de l'ordre de dix fois moins qu'un feu de pétrole à masse combustible donnée; mais surtout l'énorme chaleur spécifique de vaporisation du sodium, qui fait que le feu s'entretient très mal. Il faut atteindre des températures de l'ordre de 500 °C pour que le feu s'entretienne vraiment. Les produits de combustion, essentiellement le peroxyde NaO3, sont très opaques et masquent les flammes, empêchant la combustion des matières combustibles environnantes. Par contre, ces produits de combustion sont assez corrosifs, et le nettoyage après un feu est une opération longue et pénible. Mais en terme de risque, ce type de feu est vraiment bénin.
Ensuite les réactions entre le sodium et l'eau dans les générateurs de vapeur. Dans un générateur de vapeur, l'eau est à pression très élevée, donc le moindre petit trou s'accompagne très vite d'une réaction entre le sodium et l'eau qui ressemble à un petit chalumeau : le trou s'agrandit et assez vite le débit d'eau augmente, au point de faire monter la pression dans le circuit de sodium, réglé à très basse pression. Il s'ensuit une rupture de la membrane de sûreté, placée sous le GV, et une rapide vidange de tout le sodium contenu dans le GV. Les gaz formés lors de la réaction , essentiellement de l'hydrogène, se mélangent au gaz neutre utilisé pour couvrir le sodium, et l'ensemble s'échappe vers une cheminée, avec un beau panache de fumée blanche.
Après un tel incident, le réacteur est arrêté, la boucle secondaire en défaut est isolée, et on procède à l'expertise du GV endommagé. Selon le concept, le réacteur peut repartir avec une boucle en moins.
Pour PHÉNIX et pour CREYS chaque tube d'échange peut être individuellement obturé de l'extérieur du GV et donc isolé. Après, il est possible de repartir avec un tube en moins. Mais cette opportunité dépend du concept. On peut imaginer de petits modules de GV que l'on démonterait et remplacerait après un tel défaut. Ou bien un remplacement de tout le GV comme sur le réacteur russe BN 350 dans les années 1975 : les russes ont successivement remplacé les 6 GV qui équipaient le réacteur."