Energies renouvelables et renouvelées

Article publié dans La Libre Belgique le mercredi 2 décembre 2009

On ne cesse de parler de sources d'énergies renouvelables, entendant par là l'eau, le vent, le soleil, ainsi que les marées, la biomasse et la géothermie. Mais selon le dictionnaire, est renouvelable ce qui peut être renouvelé. Or le soleil comme le vent et les marées sont là, disponibles indépendamment de notre action. Ce sont des sources sans cesse renouvelées. Le terme 'renouvelable' s'applique seulement à la biomasse, qu'il faut reconstituer.

Une forme d'exploitation de l'énergie nucléaire peut, elle, être appelée renouvelable. C'est celle basée sur les réacteurs à neutrons rapides recyclant le combustible usé.

Les réacteurs d'aujourd'hui, refroidis principalement à l'eau, ne renouvellent pas leur combustible. Ils brûlent l'uranium 235 fissile, qui ne constitue que 0,7% de l'uranium naturel. Les 99,3% sont de l'uranium 238, qui n'est guère fissile. A ce compte-là, selon l'OECD les réserves seront épuisées dans 80 à 100 ans.

Or, comme détaillé en [1], les réacteurs à neutrons rapides (RNR), généralement refroidis par des métaux liquides tels que le sodium ou le plomb, ont la propriété de transformer l'uranium 238 en plutonium, qui est aussi bon fissile que l'uranium 235. C'est une régénération. Par retraitement chimique on extrait l'uranium résiduel et le plutonium formé, en les séparant des déchets. Ces matières peuvent alors constituer une nouvelle charge de combustible oxyde (MOX).

Ce cycle du plutonium étend la durée des réserves d'uranium d'un facteur 60 au bas mot : l'énergie est renouvelable pendant quelque 5000 ans !

Les RNR ont été étudiés très tôt. Des prototypes industriels ont démarré dans les années 1960-1970 en Europe (France, Grande-Bretagne) et aux USA ; le prototype russe BN-600 fonctionne depuis 1980 comme une horloge. Si les RNR n'ont pas été construits en série, comme il avait été proposé en 1990 aux sociétés d'électricité européennes, c'est à cause de leur surcoût, estimé à 15 à 20%.

Or aujourd'hui le programme international d'étude des réacteurs du futur, Generation IV, retient l'option des RNR comme la plus avantageuse [2]. La Russie, la Chine et l'Inde sont occupées à construire de nouveaux RNR. D'autres pays, comme la France, prévoient cette construction pour 2020.

Le mot 'renouvelable' prend ici tout son sens. Il faut bien l'ingéniosité et le travail des techniciens pour que cette énergie devienne disponible.

L'appellation 'renouvelable' pour les sources d'énergie telles que l'eau et le vent est impropre. Ces énergies sont constamment renouvelées.

Par contre l'exploitation des réserves d'uranium en réacteurs rapides en fait une énergie 'renouvelable 60 fois', ou encore 'renouvelable pendant des millénaires'.

Servais Pilate et Alain Michel, ingénieurs nucléaires, membres de l'Association des Ecologistes Pour le Nucléaire www.ecolo.org (AEPN).

REFERENCES :

[1] Energie nucléaire, énergie durable, par S. Pilate et A. Pay, paru dans 'La Libre', 28/7/2008

[2] Fission nucléaire, aujourd'hui et demain : de la renaissance au saut technologique (Génération IV), par G. Van Goethem, Le Journal des Ingénieurs n°125, novembre