Note à l'attention de M. Serge Lepeltier, Sénateur,

 

sur la lutte contre l'effet de serre.

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Monsieur le Sénateur,

 

Le citoyen que je suis vous remercie de votre initiative de « forum ».

Tout le monde s'accorde aujourd'hui à constater l'augmentation des taux de CO2 et gaz à effet de serre corrélativement à celle de la température, qui sont tous deux les plus élevés de ces 10 000 dernières années, à en croire les spécialistes. Il y a donc peut-être une relation de cause à effet, mais ceci n'a pu encore être clairement démontré. Toutefois il paraît prudent, vu les conséquences - durables - des effets d'augmentation de la température, de combattre les émissions à effet de serre. De toutes façons, il est important de préserver la qualité de l'air.

Mon cursus dans différents pays évolués (Europe, Japon) ou dans des pays en développement (Inde notamment), m'a conduit à considérer qu'il y a trois choses fondamentales pour le développement harmonieux de l'humanité, sur le plan pratique :

- la qualité de l'air que nous respirons tous,

- les ressources en eau,

- la disponibilité de l'énergie, particulièrement l'énergie électrique,

les deux derniers éléments étant souvent liés car l'énergie est nécessaire pour se procurer de l'eau potable, et, dans les régions sèches, pour en obtenir, ne serait-ce qu'à partir d'eau de mer.

Mais la production d'énergie a des répercussions sur la qualité de l'air.

Dans les pays évolués, le passage au gaz permet de diminuer environ de moitié les émissions de CO2 par rapport au charbon, mais restent en partie le SO2, tout le NOX et les fuites toujours possibles des canalisations (quelques % de la distribution). La cogénération chaleur-électricité, surtout grâce au gaz, permet d'améliorer les rendements, mais elle a ses limitations.

Toujours dans ces pays, les transports routiers, et surtout les poids lourds, apportent une contribution croissante à la pollution de l'air. Ainsi pour la France, où 95 % de l'énergie électrique est produite par le nucléaire et l'hydraulique, la majeure partie des gaz à effet de serre proviennent des transports routiers. Environ 360 millions de tonnes de CO2 par an en France sont évitées gràce à notre infrastructure électrique. Cette quantité est d'ailleurs approximativement celle rejetée par nos transports.

Dans les pays en développement, dont on doit souhaiter qu'ils atteignent en quelques décennies un niveau de vie plus décent, rappelant sans doute celui de la France des années 50, les combustibles fossiles vont faire des ravages, et particulièrement le charbon.

Il est donc vital pour l'avenir de notre planète de recourir "le plus vite possible" à des sources d'énergie non fossiles - ne serait-ce aussi que pour les conserver pour des applications de synthèse plus nobles qu'une vulgaire combustion.

Les énergies dites "renouvelables" sont certes vertueuses sur le plan effet de serre, mais leur caractère diffus et de faible intensité, s'il permet des applications qui doivent être développées (chauffe-eau solaires, climatisation, production décentralisée) en limitent sérieusement les applications et, pour la production d'électricité, sont moins concurrentielles que les productions dites classiques, à cause de cet aspect diffus.

L'hydraulique a ses limitations. Inutile d'insister sur l'exemple des Trois Gorges en Chine. On ne peut équiper des régions sèches.

Reste le nucléaire, décrié de nos jours par certains pour toutes sortes de raisons plutôt idéologiques, ou par manque d'information objective. On se réfèrera avec profit à l'excellente étude ExternE de la Commission Européenne, dont les résultats ont été publiés par MM. Galley et Bataille dans leur rapport de juin 1999 sur les coûts de l'énergie nucléaire. Cette étude compare les coûts à la société des différents types d'énergie, pour conclure que l'énergie nucléaire, malgré ce que l'on a pu en dire, a les coûts les plus bas en matière de coûts de production, de sûreté et d'impact sociétaux, même en cas d'accident. Cela s'entend pour une énergie nucléaire correctement menée, dont nos pays ont maintenant une expérience de plusieurs milliers de réacteurs x an.

Le nucléaire ne produit pas de gaz à effet de serre. Comme toute industrie, il produit des déchets, mais leur quantité est de l'ordre de 1 % de celle des déchets industriels toxiques éternels que nous produisons, et il sont bien inventoriés et conditionnés. Les "analogues naturels" tels que les déchets des réacteurs d'Oklo au Gabon qui ont fonctionné il y a environ 2 milliards d'années, montrent que les déchets - nucléaires ou non d'ailleurs- bien gérés, ne sont pas une nuisance pour l'environnement.

L'énergie nucléaire produit des rayonnements, certes, mais la part de ces rayonnements est de moins de 1 % des radiations reçues par le public du fait des rayonnements naturels (radon, rayons cosmiques, etc...) et des examens et traitements médicaux.

Quant à l'argument de certains que l'énergie n'est pas démocratique... nous n'avancerons pas de commentaires.

Mon expérience environnementale me pousse donc à préconiser l'énergie nucléaire au maximum pour les utilisations "massives", avec bien sûr, d'autres énergies les plus propres possible. D'ailleurs l'énergie nucléaire peut également s'accommoder de cogénération pour de grandes installations industrielles et pour le chauffage urbain.

Il est temps de réhabiliter dans l'esprit d'un public rendu inquiet par une propagande peu "démocratique", l'idée que le nucléaire est une énergie propre, sûre, moderne, respectueuse de l'environnement. D'ailleurs les grands pays très peuplés comme la Chine et l'Inde, qui sont nos pollueurs à venir, sont favorables à l'énergie nucléaire. Pour ces pays principalement, et pour nous tous à terme, la solution est de brûler les ressources - elles-mêmes limitées - d'uranium avec le maximum de rendement, c'est-à-dire à avoir recours aux surgénérateurs dont Phénix et Superphénix sont les prototypes. Chine et Inde travaillent sur ces projets et ont des constructions en cours. C'est pourquoi - soit dit en passant - l'arrêt de Superphénix est une erreur magistrale que nous regretterons longtemps. Il serait même opportun d'arrêter le démantèlement de cette centrale et envisager une remise en route en simplifiant certains circuits à la lumière de l'expérience acquise. Voilà une occupation constructive pays.

Les positions de nos ministres successifs de l'Environnement depuis Rio, passant par Kyoto, etc.., de nous ranger dans le camp des pays européens moins vertueux que nous en matière d'émissions de gaz à effet de serre, sont critiquables, car maladroites. En effet, d'une part, si nos voisins avaient adopté nos méthodes de recours plus massif au nucléaire, les Européens n'auraient pas eu à faire les efforts requis par les engagements de Kyoto. D'autre part, la France en particulier a déjà fait des efforts méritoires et aujourd'hui aura plus de mal que ses voisins à réduire ses émissions déjà basses, puisque un Français émet en moyenne 6 tonnes de CO2 par an (dont 0,5 tonne seulement pour la génération d'électricité), un Allemand 12 tonnes, un Américain 20.

Au contraire, la France pourrait être en mesure de vendre des permis d'émissions à ses voisins !

A ce sujet, je considère qu'acheter des permis d'émission à des pays sous-développés est une atteinte aux droits de l'homme et une faute d'éthique. Par contre, et tout à fait à titre temporaire, certains arrangements entre pays industriels pourraient peut-être être négociés.

Vous l'aurez compris, vous avez affaire à un partisan de l'énergie nucléaire, partisan parce que connaisseur de différents types d'énergie par suite de mon expérience professionnelle.

Il serait temps de laisser une minorité d' "écologistes" mal informés ou bourrés de complexes déclamer dans le désert, de mettre certains journalistes non moins mal informés ou soucieux de vendre leur papier, devant leurs responsabilités d'honnête information, sans ambages. Mais, veuillez me pardonner, les parlementaires ont-ils cette volonté ?

Restant à votre disposition pour plus d'informations éventuellement, je vous prie de croire, Monsieur le Sénateur, à l'attention de mes sentiments distingués,

 

Michel Lung, Membre de l'Association des Ecologistes pour le Nucléaire (AEPN)