Paris le 22 février 2003

 

Jacques FROT Le MONDE

8, Ave de la soeur Rosalie Monsieur le Rédacteur en Chef

75013 PARIS Direction de la Rédaction

 

Objet : Kyoto; chronique de Patrick JARREAU; votre édition datée du 18/02/2005

Monsieur le Rédacteur en Chef,

Les Etats-Unis n'ont pas signé le protocole de KYOTO car ils en ont compris l'inefficacité, la petitesse comparée à la dimension du problème et le coût exorbitant, décourageant. Ceci explique cela, sans pour autant le justifier : il ne leur aurait rien coûté de le signer, s'associant ainsi à une prise de conscience internationale sinon universelle. Ou bien, ne le signant pas, ils auraient dû faire l'effort de convaincre les signataires de l'ineptie des accords de KYOTO.

Mais c'est leur faire un mauvais procès que d'ignorer, ou faire semblant d'ignorer, que les USA ont engagé, seuls ou en compagnie d'autres pays, des programmes de recherches à la vraie dimension des menaces qui pèsent sur l'avenir énergétique du monde : l'épuisement du pétrole et du gaz d'une part, le changement climatique d'autre part.

En 2001 les Etats-Unis, en matière d'énergie nucléaire ont lancé le Forum International « 4ème génération » (Generation IV International Forum) : 10 pays (dont la France) plus l'Europe (par Euratom) y participent. Ce forum étudie les réacteurs nucléaires du futur : parmi plus de 100 filières analysées, 6 ont été retenues en vue de Recherche et Développement avancés. Les USA ont compris que le nucléaire est l'une des voies probables, sinon incontournable, des conversions énergétiques auxquelles le monde n'échappera pas. Ils ont également compris qu'il serait aberrant de porter un jugement définitif sur le nucléaire d'aujourd'hui qui a l'âge… du chemin de fer en 1880 !!

En juin 2003 s'est tenue à Washington la première réunion du « Carbon Sequestration Leadership Forum », initié par les USA et auquel participent aujourd'hui 17 pays (dont la France). La mission de cet organisme est d'unir les efforts de recherche et développement en vue de la séquestration (géologique, océanique et terrestre) du carbone. 74 sites (essentiellement aux USA et au Canada) séquestrent déjà du gaz carbonique. Certes les USA y ont une motivation majeure : ils sont riches en charbon mais savent que l'exploitation du charbon ne pourra être durable sans séquestration du carbone. Ajoutons que la séquestration dans des puits de pétrole permet d'en améliorer les quantités extraites.

En janvier 2003, dans son adresse annuelle au peuple américain sur l'état de l'Union, Georges W. BUSH a lancé un plan voitures à hydrogène ambitieux dont l'objet est que « les scientifiques et les chercheurs franchissent les obstacles afin que ces voitures passent du laboratoire à la salle de vente, si bien que la première voiture conduite par un enfant né aujourd'hui (NDLR : Janvier 2003) soit alimentée en hydrogène et soit non polluante» Spencer Abraham, Secrétaire d'Etat à l'Energie, a ajouté « …à un coût de carburant comparable à celui de l'essence ». (traduction personnelle). Ici encore les USA ne se posent pas en bienfaiteurs de l'humanité mais, pragmatiques, soucieux d'efficacité et irréversiblement mariés avec la voiture, ils voient, dans l'hydrogène, l'une des solutions possibles et durables (l'hydrogène étant parfaitement inépuisable et propre s'il est fabriqué de façon non polluante) permettant la pérennisation et la mondialisation de l'automobile. Nul doute que s'ils parviennent à maîtriser la solution hydrogène ils en retireront, dans le monde entier, de formidables profits.

On trouve là 3 actions majeures qui sont à la dimension du problème. Les autres pays ne s'y sont pas trompés, qui se sont associés aux USA initiateurs, comprenant que les décisions politiques de KYOTO n'étaient pas à la hauteur des enjeux.

Il est regrettable que, sur un sujet aussi sérieux et préoccupant, votre chroniqueur ait égaré le lecteur au lieu de l'éclairer de façon exhaustive et que Le Monde s'en soit fait le complice.

 

Je vous prie, Monsieur le Rédacteur en Chef, d'agréer mes salutations distinguées.

 

Jacques FROT

Ancien Directeur dans le groupe pétrolier Mobil OIl

Membre du Conseil Scientifique de l'AEPN

Membre du Collectif "Sauvons le Climat"

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