L'effet de serre: quelle politique ? (Bulletin N° 279)
Date: Sat, 20 Oct 2001
To: Délégué Général de la SFEN
Paris le 20 octobre 2001
Objet : Bulletin SFEN N° 279 septembre 2001
Conférence de M. Michel MOUSEL à Courbevoie
Cher Monsieur Panossian,
J'ai été fort surpris par la relation de la conférence de Michel MOUSEL.
N'ayant pas assisté à cette conférence je ne connais pas le discours tenu par
le conférencier. Peut-être, étant donné la complexité du sujet, fut-il
difficile de le rapporter de façon parfaitement fidèle.
Permettez-moi de commenter ci-dessous quelques points présentés par P.L.
CHOMETON dans son compte-rendu et qui, parmi d'autres, me semblent justifier
une mise au point.
" La vie s'est développée sur terre grâce à l'effet de serre ". Sans effet de
serre il ferait beaucoup plus froid (une bonne trentaine de degrés en moins,
voire 60 ou 70 si l'on tient compte de l'amplification de l'albédo), la vie
serait différente, moins abondante mais existerait tout au moins sur les
basses latitudes.
" Les émissions globales de CO2 ". Il y a confusion dans les chiffres : les
chiffres donnés par habitant (5,5 pour les USA et 2 pour l'OCDE etc.) sont
des t/an/habitant de carbone et non pas de CO2. Ces chiffres sont à
multiplier par 3,5 pour obtenir les tonnes de CO2.
" On ne sait pas comment et quand le carbone peut être relâché par la forêt
". On sait au moins très bien que, après la mort des arbres, le carbone
qu'ils ont absorbé pour croître (mécanisme du puits de carbone) sera rejeté à
l'atmosphère : ou bien très rapidement sous forme de CO2 si on les brûle
(énergie bio-masse, bois de chauffe par exemple) ; ou bien plus lentement
sous forme de méthaneCH4 si on les laisse pourrir sur place. Les volumes sont
les mêmes dans les 2 cas mais, à volume égal, le méthane, qui se dégage
beaucoup moins vite car le processus de pourrissement est évidemment plus
lent que la combustion, engendre 20 à 25 fois plus d'effet de serre
supplémentaire. Il semble établi, par ailleurs, que le méthane séjourne dans
l'atmosphère beaucoup moins longtemps (une dizaine d'années) que le CO2
(quelques décennies, voire une centaine d'années) dont la moitié seulement
demeure dans l'atmosphère l'autre moitié étant rapidement reprise par les
océans et la végétation. De toute façon ce carbone, sous quelque forme que ce
soit, demeure pour l'éternité dans notre bio-sphère.
" Le nucléaire augmente la production de carbone pour les heures de pointe " !!
A la limite cela pourrait, dans des circonstances particulières, être vrai
pour un pays dont toute l'électricité de base est non fossile : la France par
exemple, peut-être également la Lithuanie. Mais lorsqu'on sait - et il est
certain que M. MOUSEL le sait- que l'électronucléaire mondial pèse 7% du
bilan énergétique de la planète (hors extra-comptable) et 16% de la
production mondiale d'électricité, que l'hydroélectricité pèse 3% du bilan
énergétique et 7% de la production mondiale d'électricité, enfin que les ENR
interviennent pour quelques " pouièmes ", il est patent, par différence, que
l'énergie fossile entre pour à peu près les 9/10 du bilan énergétique mondial
et pour les 3/4 de la production d'électricité. Dès lors on ne voit pas comment
ce problème base / pointe pourrait, sous le prétexte de minimiser les
émissions de CO2, justifier de restreindre le développement mondial du
nucléaire.
" Les cycles combinés gaz permettent de consommer 2/3 de carbone en moins
[que le charbon] " Non : d'une part le concept de cycle combiné, comme
d'ailleurs celui de co-génération, n'est pas exclusif du gaz ; il est
applicable au charbon et au fuel. Par ailleurs le gaz contient 75% de
carbone, au lieu de quasiment 100% pour le charbon. Donc, à technologies
identiques, le gaz c'est 25% d'économie de CO2 et non pas 2/3. Inutile de
rappeler ici que le nucléaire évite, lui, 100% du CO2.
" Le problème des déchets à vie longue [exige] l'application du principe de
précaution ". C'est ce que fait la France avec la loi Bataille. Inutile d'en
rajouter. Mais le principe de précaution que l'on met trop souvent à toutes
les sauces exige avant tout que l'on réduise les émissions de G.E.S. car le
danger est peut-être prochain et menace d'être au mieux catastrophique, au
pire cataclysmique. Le nucléaire est, en la matière, un meilleur outil que
les centrales à gaz. Il reste vrai que les réacteurs aujourd'hui
opérationnels (compétitifs et sûrs) ne sont pas utilisables dans maints pays
en voie de développement pour des raisons de manque de culture de sûreté, de
taille et de coûts d'investissement. Il est urgent que la communauté
nucléaire internationale développe des réacteurs plus petits et à sûreté
passive au maximum.
" On joue sur l'effet d'échelle pour abaisser les coûts des éoliennes ".
Certes. Mais il n'en reste pas moins que la même puissance installée sous
forme d'éoliennes demande de l'ordre de 1000 fois plus d'espace que la
puissance thermique (nucléaire ou fossile). Ce ratio exclut que l'éolien
puisse devenir plus que marginal dans les pays développés où tout projet
consommateur d'espace se trouve confronté aux oppositions des écologistes ou
des offices de tourisme ou des populations en général. L'éolien est par
contre un espoir dans les pays en voie de développement qu'habitent cinq
milliards d'hommes dont deux milliards sont encore privés d'électricité :
l'éolien pourra alimenter en électricité beaucoup de ces pauvres durant les
quelques décennies que demandera immanquablement la transition incontournable
des PVD vers le nucléaire
Tels qu'ils ont été présentés dans le bulletin SFEN ces quelques points, pris
parmi d'autres, pénalisent injustement le nucléaire en en estompant les
vertus. Il me paraît nécessaire que les faits soient rétablis dans un
prochain bulletin. L'accroissement de l'effet de serre est l'un des arguments
majeurs qui justifient le développement de l'électronucléaire : il est
dommage que cela ne transparaisse pas dans le compte-rendu, donné par la SFEN
dans son bulletin, de la conférence de Mr MOUSEL.
Je vous prie, cher Monsieur Panossian, de croire en l'expression de mes
sentiments les meilleurs.
Jacques FROT
Animateur du GR.COM de l'AEPN