Jacques GOLLION

Membre de l'AEPN

 

 

LA VIE

163, boulevard Malesherbes

75859 PARIS Cedex 17

 

 

Réf : n° 2889 du 11/01/01 - Article "Le vent de la discorde"

 

Messieurs,

 

Mon épouse est abonnée à votre journal, et me fait lire les articles qui touchent à mon domaine de compétence. J'ai ainsi eu l'occasion de lire l'article cité en référence. Je suis toujours navré de voir le manque de précision dans des articles de journaux sur les questions relatives à l'énergie, et par voie de conséquence les erreurs diffusées auprès du public, alors que les médias se devraient d'informer honnêtement ceux qu'ils touchent.

Votre article, d'ailleurs très intéressant, n'échappe pas à ce travers. L'énergie éolienne a fait rêver et fait encore rêver beaucoup de monde. C'est, hélas, bien méconnaître le vent, qui n'est, comme son nom le rappelle... que du vent ! Sous la pression d'écologistes frustres, (tous ne le sont pas heureusement) un effort a été entrepris en France, par EDF notamment, pour faire la meilleure démonstration possible de ce que l'on peut espérer tirer du vent. C'est le programme Eole : doublement de la production éolienne en 5 ans, ce qui n'est pas considérable, puisque le point de départ est trés bas. J'aperçois réguliérement dans la vallée du Rhône, près de Donzère, cinq belles machines placées dans une zone où elles ne gènent probablement pas grand monde, et où elles butinent des filets d'un vent assez généreux en ce site.

En France, les sites de vent utilisables sont peu nombreux : le domaine côtier, Finistère et Manche principalement, et certains plateaux. Mais il se trouve que les mêmes sites sont aussi très pittoresques, donc appréciés des touristes, ou simplement de leurs occupants. C'est ainsi que le site du "Nez de Jobourg" , près de la Hague, avait fait l'objet d'un projet. Pour ne pas dénaturer ce site prestigieux, il était prévu d'installer les éoliennes autour du site nucléaire, avec l'accord de l'exploitant et la bénédiction des Autorités de Sûreté. Mais ce sont les habitants qui ont refusé l'implantation, dans ce cas à cause du bruit des machines. Votre article fait bien apparaître les diverses "nuisances" d'un parc d'éoliennes et c'est très justifié.

Ce qui n'est pas assez connu, c'est la faible rentabilité de ces machines. Tous les articles que je lis sur ce sujet ne parlent que de la puissance des machines actuelles, de l'ordre de 200 kW à 1.000 kW, et comparent ces valeurs à celles de groupes électrogènes que l'on connaît bien. Ce qui est différent, c'est que le groupe électrogène peut fonctionner et s'arrêter à notre volonté. Il peut, si nécessaire, fonctionner presque 98% du temps pendant des périodes dépassant l'année, les interruptions étant programmées à notre volonté pour l'entretien. Quand il fonctionne, il fournit à tout instant exactement l'énergie dont nous avons besoin. A l'inverse, une éolienne ne fonctionne qu'au gré du vent, infiniment variable : si le vent est faible, elle ne fournit presque rien, et s'il est trop fort, on doit arrêter la machine pour ne pas la casser. L'expérience du Danemark, mal connue bien que précieuse, montre qu'un parc d'éolienne qui représente 10% de la puissance de production électrique installée ne fournit que 1,5 % de l'énergie électrique du pays, et cela sans parler des difficultés de gestion de l'équilibre du réseau lors des "sautes de vent".

En qualité de membre d'une association écologique, je suis personnellement très favorable aux énergies renouvelables et je milite volontiers dans ce sens : solaire ou biomasse par exemple. Je prône surtout les économies d'énergie, premier gisement d'énergie en France. Mais je reste horrifié quand je vois l'hérésie se développer autour du vent, et le gouvernement faire pression sur EDF pour en payer l'énergie plus de deux fois ce qu'elle vaut. Le meilleurs des moulins à vent est celui d'Alphonse Daudet, qui laissait au meunier de longs moments pour dormir et méditer, ce que je vous souhaite.

Veuillez agréer, Messieurs, l'expression de mes sentiments les meilleurs,