Les effets de l'Uranium appauvri sont ils d'abord radiologiques ou toxiques ?

par Hervé Nifenecker - Juin 2001

Selon Barillet (La Sécurité dans les laboratoires et les fabriques de produits chimiques minéraux, fasc.5 1950 Tiré à part de l'Industrie Chimique). La dose mortelle est de 2 mg/kg soit, pour un homme de l'ordre de 140 mg.

Pour une telle dose l'activité en Bq vaut, dans le cas de l'U appauvri, environ 2000 Bq. L'énergie déposée par les alphas de 6 MeV vaut donc 0.062 joules, soit, pour 70 kg, 0.9 mgray, et en tenant compte d'un facteur de qualité de 20, environ 20 msieverts, ce qui est la dose autorisée par la CIPR pour les activités professionnelles. En appliquant la loi linéaire dose effet on a une probabilité additionnelle de cancer d'environ 1 pour mille. Nous avons fait ce calcul en supposant que la dose initiale demeurait dans l'organisme pendant au moins un an.

On voit donc que, pour une dose mortelle pour la toxicité, l'effet cancérigène est de l'ordre du pour mille, au plus de l'ordre du pour cent pour la vie entière.

Selon Barillet les intoxications sub-aiguës se traduisent par des vomissements, de la diarrhée, de la faiblesse musculaire puis au bout de quelques jours par une néphrite aiguë. Aucune des victimes du Golfe(et des Balkans) n'ayant, semble-t-il, présenté ces symptômes on en déduit que ceux-ci ne pourraient être dus que par une intoxication chronique, c'est à dire incorporation d'une dose sûrement inférieure à un dixième de la dose létale. Ceci ramène la probabilité de cancer à moins que un dix millième. Pour un corps de 30000 hommes on aurait donc, à condition que tous les hommes aient été exposés, ce qui est très peu probable, au maximum, de l'ordre de 3 cancers par an, après un délai variable selon les cas d'au moins trois ans. En France on observe un taux de cancers de l'ordre de 2 pour 1000, soit, pour une même population de 60 par ans. Si l'on se restreint aux leucémies on aurait un taux « normal » , relativement peu dépendant de l'âge, de 1 pour 10000, soit 3 par an. Sur quatre ans le nombre « normal » de leucémies serait donc de l'ordre de 12, en moyenne, avec des fluctuations possibles entre 6 et 15.

Les symptômes d'une intoxication chronique présentent des analogies avec certains des symptômes décrits pour le syndrome du Golfe : fatigue, maladresse, perte de coordination des mouvements, accidents du nerf optique, très fréquente néphrite avec dégénérescence du foie et de reins. Ces effets sont similaires à ceux observés pour l'Arsenic. dans le cas du Golfe les troubles rénaux n'ont, semble-t-il pas été observés, ce qui jette un doute sur l'attribution des autres troubles à l'Uranium appauvri, sans, toutefois exclure cette possibilité. Alors que l'attribution de leucémies à l'absorption d'Uranium appauvri n'est, certainement pas, justifiée, on ne peut donc pas exclure totalement une intoxication chronique chimique. Dans ces conditions, la radioactivité de l'Uranium pourrait être très utile puisqu'elle permettrait d'établir un lien entre les symptômes et l'absorption éventuelle d'Uranium appauvri de retraitement. Un suivi médical des vétérans du golfe montre, effectivement que certains d'entre eux ont été contaminés. La focalisation sur les cas de cancers serait une erreur puisqu'elle ne pourrait sans doute conclure qu'à l'absence de corrélation.

La dose autorisée par l'OSHA[1], pour les travailleurs, est de 0,05 mg/m3, soit 0.5 mg/jour d'incorporation. Ceci conduirait à une dose annuelle proche des 140 mg précités, et donc proche de la limite de dose de la CIPR. On peut alors se demander si la dose autorisée, qui semble calculée pour des effets radiologiques, ne devraient pas être sérieusement diminuée pour tenir compte des intoxications chroniques.

Les doses limites spécifiques sont de 3 microgrammes d'Uranium par gramme au niveau du rein(poids du rein environ 200 g). L'excrétion urinaire doit être inférieure à 20 mg/l pour une exposition chronique et 200 mg/l pour une exposition unique.

Après une inhalation d'Uranium soluble l'excrétion urinaire serait de 20% dans les premières 24 h. puis de 0.01% par jour après trois mois et 0.0002% après 3 ans.

En ce qui concerne la contamination de surface on rappelle qu'en moyenne, mille mètres carrés de terrain contiennent, sur une épaisseur de 10 cms environ 1 kg d'Uranium. il s'ensuit que les 300 tonnes d'UA répandus dans la guerre du golfe devraient être répartis sur 300 km2 pour donner des contaminations équivalentes à l'activité naturelle.

 

[1] Tous renseignements communiqués par R.Masse