La sûreté nucléaire

Exploitées pour produire un kWh compétitif, les centrales nucléaires sont organisées autour d’un impératif : garantir la sûreté de fonctionnement afin de ne faire courir aucun risque à l’homme et à l’environnement. A toutes les étapes de la vie industrielle d’une centrale et aux différentes étapes de son exploitation, la sûreté est fondée tant sur la fiabilité des systèmes que sur le professionnalisme des personnes et l’efficacité de l’organisation du travail.

L’exigence de la sûreté

L’industrie nucléaire s’est organisée autour de l’impératif de sûreté. Dès l’origine, toutes les dispositions ont été prises en compte pour éviter tout impact dommageable sur la santé ou l'environnement.

La sûreté s’est construite sur cette exigence : le fonctionnement d’une installation nucléaire ne doit entraîner aucun impact dommageable sur la santé ou l’environnement. C’est pourquoi la sûreté des installations nucléaires regroupe l’ensemble des dispositions destinées à éviter en toutes circonstances la dispersion des produits radioactifs. Elles sont appliquées à toutes les étapes de la vie d’un site : conception, construction, exploitation en fonctionnement ou à l’arrêt, jusqu’au démantèlement. Ceci afin d’assurer le fonctionnement normal des installations, de prévenir un accident et de limiter ses conséquences dans le cas éventuel où il se produirait.

Plus les conséquences d'un incident ou d'un accident sont potentiellement graves, plus sa probabilité doit être faible. Ce qui distingue le nucléaire des autres industries ne réside pas dans le niveau de danger encouru, mais dans le supplément de précautions et la multiplicité des mesures de sécurité. D’emblée, celles-ci ont été très supérieures à celles existant dans toutes les autres industries.

Les trois principes de la sûreté

Ces deux premières conditions permettent l'évacuation de l'énergie calorifique quand le réacteur est en fonctionnement ou à l’arrêt.

La méthode de la défense en profondeur

La défense en profondeur consiste à mettre en place plusieurs parades successives et indépendantes les unes des autres afin de prévenir les incidents possibles et leurs conséquences. Elle permet aussi d’envisager, malgré tout, une éventuelle détérioration de la situation et prépare à y faire face. Elle s’appuie sur une panoplie de mesures pour prévenir tout risque à la fois dans la conception des installations, leur construction et la réalisation des matériels.

En fonctionnement normal, les matériels sont entretenus et contrôlés afin de garantir le niveau de sûreté prévu lors de la conception. A ce stade, les précautions prises, la surveillance permanente et le respect strict des normes de construction initiales assurent le premier niveau de défense.

En situation d’incident, l’exploitant doit pouvoir ramener la centrale à une situation normale : les protections sont multipliées par deux ou trois, pour pallier toute défaillance des systèmes techniques, des matériels ou des opérateurs. C’est le deuxième niveau de défense.

En dernier recours

Ces systèmes sont indépendants les uns des autres pour qu’ils puissent toujours être disponibles. En effet, si la première barrière est franchie, une deuxième agit : la surveillance du fonctionnement et la détection des incidents conduisent à la mise en service des protections. Dans l’hypothèse où la première et la deuxième barrière seraient franchies, des moyens d’actions sont mis en œuvre pour maintenir le contrôle de la réactivité, du refroidissement et du confinement des matières radioactives. Enfin, si malgré toutes les précautions prises, la centrale évoluait vers une situation accidentelle, l’exploitant doit disposer de tous les éléments pour rendre l’installation à nouveau sûre et surtout empêcher ou limiter la dissémination de la radioactivité dans l’environnement.

 

La réglementation de la sûreté

La conception d’une centrale, sa construction et son exploitation obéissent aux règles fondamentales de sûreté de la réglementation

nationale.

Réglementation de la construction d’une centrale nucléaire

L’autorisation de créer une installation nucléaire est soumise à l’évaluation de sa sûreté : c’est l’analyse de sûreté, qui doit être approuvée par la Direction de la sûreté des installations nucléaires (DSIN). Cette étape permet de garantir que toutes les dispositions techniques sont prises pour remplir les exigences de sûreté et pour faire face aux accidents (chutes d’avion, inondations, séismes, incendies…). Ensuite, chaque étape de la construction est vérifiée. La qualité et les caractéristiques des matériels sont vérifiés et doivent être conformes au cahier des charges. Enfin, l’autorisation de mise en service est, elle aussi, soumise à l’approbation de l’autorité de sûreté.

La surveillance par un double contrôle

L’industrie du nucléaire est une activité sous haute surveillance, objet d’un contrôle permanent. L’organisation même de cette surveillance accroît la sûreté puisqu’elle double les contrôles et les rende indépendants. Le concepteur-constructeur d’abord, par sa propre organisation du contrôle de qualité, puis l’exploitant, en vertu de sa responsabilité, exercent les contrôles internes ; l’autorité de sûreté assure, quant à elle, les contrôles externes indépendants sur tous les domaines concernant la sûreté d’exploitation.

Les contrôles internes

Ils permettent de s’assurer que les "spécifications techniques d’exploitation" (véritable code de la route du nucléaire) sont bien respectées. Ce contrôle s’exerce aussi bien sur la conduite de la centrale (son pilotage) que sur les activités d’entretien du matériel. La conception standardisée des centrales est un atout majeur pour bénéficier des retours d’expérience sur l’ensemble des centrales.

Les contrôles externes

Les pouvoirs publics exercent un contrôle indépendant sur l’exploitation des centrales. La Direction de la sûreté des installations nucléaires mène des inspections sur le respect des obligations en matière de sûreté. En cas de problème d’exploitation, l’arrêt d’une centrale peut être imposé.

 

La radioprotection

La radioprotection regroupe l'ensemble des règles et des moyens mis en œuvre pour protéger le public et les intervenants de l'industrie nucléaire des risques de la radioactivité. Chaque pays élabore ses lois en conformité avec les recommandations internationales, mais la sécurité repose avant tout sur l'organisation du travail, la formation du personnel et la fiabilité des installations.

La réglementation

La réglementation française est conforme aux directives de la Communauté Européenne qui se fondent sur les recommandations d'un organisme international, la Commission Internationale de Protection Radiologique (CIPR). Ces recommandations sont régulièrement actualisées pour tenir compte des nouvelles données scientifiques. Celles-ci sont ensuite transposées au niveau national dans chaque pays sous forme de réglementation et de lois. Les dernières recommandations en date, appelées CIPR 60, publiées en 1990 et approuvées par la communauté internationale, ont été reprises en mai 1996 par une directive européenne. Cette réglementation stipule d’abaisser les normes d’exposition aux rayonnements ionisants à 1 mSv par an pour le public et à 20 mSv par an pour les intervenants du nucléaires à partir de l'an 2000.

Le contrôle de la radioactivité

En France, la DSIN (direction de sûreté des installations nucléaires), sous la tutelle des ministères de l'Industrie et de l’Environnement, examine les demandes d'implantation et d'exploitation et peut demander à tout moment l'arrêt d’une installation nucléaire.

L'OPRI (Office de Protection contre les Rayonnements Ionisants), sous la tutelle des ministères de la Santé et de l’Industrie, fait respecter les normes légales et contrôle la radioactivité dans l'environnement.

Le bureau de Radioprotection, sous l’égide du ministère du Travail et des Affaires Sociales, est chargé d’élaborer la réglementation officielle nécessaire à la mise en œuvre de la radioprotection.

Enfin, les opérateurs (EDF, CEA, Framatome) ont leurs propres experts et contrôleurs. Ils contribuent notamment à la recherche en

radioprotection et radiobiologie.

 

Protéger les hommes et l'environnement

A EDF, les personnes exposées aux rayonnements reçoivent de faibles doses étalées dans le temps. Il s’agit essentiellement d’exposition externe. Tous les intervenants sont formés à la radioprotection et disposent de protections collectives et individuelles lorsqu'ils interviennent en zone contrôlée. La préparation et l'organisation des chantiers permettent de limiter la durée d'exposition.

Tous les intervenants sont formés à une méthode qui vise à maintenir l’exposition à un niveau aussi bas qu’il est raisonnablement possible (Alara : As low as raisonnably achievable). Formés à la radioprotection, ils ont passé un examen d'aptitude physique. De plus, ils subissent chaque semestre un contrôle médical (dosages biologiques, anthropogammamétrie).

Les risques d’exposition interne sont réduits au minimum par la limitation de la dispersion des produits radioactifs. Une surveillance accrue s’exerce sur la gaine combustible afin d’éviter la dissémination des radioéléments issus du combustible.

L’organisation dans la centrale

Le réacteur, le bâtiment de stockage du combustible, le laboratoire de chimie, la laverie et les installations de traitement des effluents constituent les zones contrôlées. Les locaux y sont classés par couleurs selon le débit de dose et l'accès en est réglementé.

Avant toute intervention en zone contrôlée, la préparation du chantier et le rôle précis de chacun permet de limiter la durée d'exposition. Pendant le travail, la protection collective repose sur des écrans entre les sources et les hommes (murs de plomb, eau de la piscine du réacteur). Chaque intervenant porte des vêtements spéciaux qui seront lavés : tenue, chaussures, gants, tee-shirt, chaussettes et un calot de papier qui sera évacué. Il a aussi un dosimètre personnel, un film sensible développé tous les mois (par EDF pour son personnel et par l'OPRI pour les prestataires), qui détermine son exposition externe cumulée sur un mois. En sortant de la zone contrôlée, chacun passe dans un portique pour détecter une éventuelle contamination. Tout cas probable de contamination interne est examiné au contrôle médical.

Contrôler l’environnement

Les installations nucléaires sont conçues pour assurer la meilleure protection contre la radioactivité. Le confinement des radioéléments est assuré par trois barrières: la gaine métallique qui entoure le combustible, la cuve en acier inoxydable du réacteur et l'enceinte du bâtiment réacteur, en béton précontraint.

Tous les éléments entrant et sortant du site (combustible et déchets) sont traités dans des circuits spécialisés ou conditionnés pour un transport sûr.

Indépendamment des contrôles effectués par EDF, l'OPRI surveille la radioactivité dans l'eau, l'air, la végétation et contrôle les animaux autour du site.

 

L’échelle INES

La production d'électricité nucléaire est une activité industrielle particulièrement sensible. C'est pourquoi tout incident fait l'objet de procédures et d'informations très strictes contrôlées par la Direction de la Sureté des Installations Nucléaires (DSIN), rattachée aux Ministères de l'Industrie et de l'Environnement.

Adoptée en France depuis avril 1994, l'échelle internationale Ines (International Nuclear Event Scale, "Échelle Internationale des

événements nucléaires") a permis l’instauration d’un même langage sur l’évaluation d’un incident ou d’un accident. Ces références

communes, partout dans le monde, facilitent la compréhension de l’opinion publique internationale. L’information sur un

événement est communiquée, via l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), à tous les pays qui ont adopté Ines.

Sur cette échelle, les événements sont hiérarchisés de 0 à 7 en fonction de leur importance par rapport à trois critères : les conséquences sur l’environnement, l’impact sur le site et le critère de défense en profondeur.

NIVEAU 7

Accident majeur, avec rejets hors du site et effets étendus sur la santé et l’environnement

Exemple : EN URSS : Tchernobyl (1986)

NIVEAU 6

Accident grave, avec rejet important hors du site, susceptible d’exiger l’application intégrale des contre-mesures sanitaires prévues (mise à l’abri et absorption de comprimés d’iode, évacuation, limitation de la consommation de denrées alimentaires)

Exemple : EN URSS : usine de retraitement de Kyshtym (1957), accident ayant entraîné un rejet important hors du site et l’application de mesures d’urgence comportant une évacuation de la population

NIVEAU 5

Accident entraînant un risque hors du site, relevant de l’un ou l’autre des critères suivants :

- endommagement grave du cœur du réacteur/des barrières radiologiques

- rejet limité, susceptible d’exiger l’application partielle de contre-mesures sanitaires (mise à l’abri, absorption de comprimés d’iode, ou éloignement temporaire)

Exemple : AUX ETATS-UNIS à Three Mile Island (1979), fusion partielle du cœur du réacteur ayant entraîné des rejets très limités dans l’environnement

NIVEAU 4

Accident n’entraînant pas de risque important hors du site, répondant à l’un ou plusieurs des critères suivants :

- endommagement important du cœur du réacteur/des barrières radiologiques

- exposition mortelle d’un travailleur,

- rejet mineur, entraînant une exposition du public de l’ordre des limites réglementaires

Exemples :

NIVEAU 3

Incident grave répondant à l’un ou plusieurs des critères suivants :

- accidents évités de peu/perte des barrières,

- contamination grave/effets aigus sur la santé d’un travailleur,

- très faible rejet à l’extérieur/exposition du public représentant une fraction des limites réglementaires

Exemples :

NIVEAU 2

Incidents assortis de défaillances importantes des dispositions de sûreté et/ou contamination importante ou surexposition d’un travailleur

Exemples

EN FRANCE, dépassement répétitif (mais sans conséquence sanitaire) des normes de contamination surfacique sur les convois de

combustible usé expédiés vers l’usine de La Hague (1998)

Inondation du sous-sol des bâtiments combustibles des unités de production 1 et 2 à la centrale du Blayais (28 décembre 1999).

NIVEAU 1

Anomalie, sortie de fonctionnement autorisé pour cause de défaillance de matériel, d’erreur humaine ou d’insuffisances dans les procédures.

En moyenne, le parc nucléaire français enregistre 1 à 2 incidents de niveau un par réacteur et par an.

Exemples :

EN FRANCE, à la centrale du Bugey, début d’incendie dans un local électrique, rapidement maîtrisé par l’équipe d’intervention du site (31 juillet 1999). L’incident a été classé au niveau 1 de l’échelle INES en raison d’une application incomplète des consignes prévues en cas d’incendie. Cette anomalie a conduit à un appel tardif des secours extérieurs, sans conséquence dans la mesure où l’incendie a été maîtrisé par les moyens internes au site.

NIVEAU 0 (fait divers)

Anomalie sans sortie de fonctionnement autorisé pour cause de défaillance de matériel, d’erreur humaine ou d’insuffisances dans les procédures.

En moyenne, le parc nucléaire français enregistre plus de 10 incidents de niveau un par réacteur et par an.

Exemples : Mercredi 10 avril 2002, à 18 h 30, un assemblage fertile en cours de manutention a été relâché par le système de levage, dans l'ascenseur permettant le changement de cellule.

 

Les organisations en cas de crise

En raison des dispositions prises pour garantir la sûreté, la probabilité d’incidents ou d’accidents est extrêmement faible. Cependant, EDF et les pouvoirs publics ont mis en place une organisation afin de résoudre rapidement les problèmes en situation de crise : la sécurité de l’installation et la protection des personnes sont assurées par la mise en œuvre de deux plans étroitement coordonnés entre eux :

Le PUI (Plan d’Urgence Interne)

Mis en œuvre par la direction du site nucléaire, il définit les mesures à prendre pour évaluer la nature de l’incident et son évolution probable. Il établit les actions à mener afin de remettre la centrale dans un état sûr et limiter au site les conséquences de l’incident. Enfin, il indique la marche à suivre afin d’informer les autorités responsables et les services nationaux de sûreté. En effet, le PUI prévoit l’information immédiate des pouvoirs publics et en particulier du préfet, de l’autorité de sûreté (DSIN), de l’Office de protection contre les rayonnements ionisants (OPRI) ainsi que de la presse.

Le PPI (Plan Particulier d’Intervention)

Mis en œuvre par les pouvoirs publics, spécifiquement par le préfet, il est partie intégrante du plan général ORSEC. Ce plan prévoit les actions à mener pour assurer l’information et la sécurité des populations en cas d’accident présentant des conséquences radiologiques à l’extérieur du site : organisation des secours, contrôles sur l’environnement, mesures à prendre en cas de risque de contamination à l’extérieur du site. Ce PPI est à disposition du public dans toutes les mairies des communes proches d’une centrale.

 

Les leçons de l'expérience

Le retour d’expérience du parc français et les échanges internationaux ont permis une amélioration constante et régulière de la sûreté.

Une expérience au bénéfice de la sûreté

En vingt ans, la sûreté nucléaire a beaucoup évolué. En France, l’expérience accumulée de l’exploitation de 58 réacteurs, facilitée par la standardisation du parc nucléaire, permet d’améliorer constamment le niveau de sûreté. Les incidents, anomalies ou erreurs, sont signalés et le public en est informé. Le retour d’expérience porte à la fois sur la diffusion des bonnes pratiques et l’analyse des incidents ou des dysfonctionnements afin qu’en soient tirées des mesures correctives. Au niveau international, un organisme indépendant, l’Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO, World assocation of nuclear operators) coordonne tous ces retours d’expérience.

Prise en compte du facteur humain : Three Mile Island

Alors que près de 450 centrales sont en fonctionnement dans plus de 30 pays, les accidents graves ont été exceptionnels. En mars 1979, se produit l’accident de Three Mile Island aux États-Unis. Le cœur du réacteur est détruit mais l’enceinte de confinement empêche les produits radioactifs de se répandre dans l’environnement extérieur. Cet accident incite les exploitants à prendre en compte le facteur humain dans la sûreté. En France, de nouveaux dispositifs de contrôle et de procédures de conduite sont mises en place. L'ergonomie des salles de commande est perfectionnée et la formation sur simulateur développée.

L’impact sur la sûreté de Tchernobyl

Les années quatre-vingt-dix sont marquées par l'accident de Tchernobyl, qui a mis en évidence les interactions étroites entre le type de management exercé, le degré d’implication de chacun et la sûreté. L'engagement de tous est indispensable à la construction d'une vision complète de la sûreté. Cette réflexion a également conduit à améliorer la gestion de l’information des populations et à renforcer encore l’efficacité des procédures en cas de situation accidentelle. En effet, si cet accident n’a pas eu d’impact sur les centrales françaises en raison des différences fondamentales de conception, il a eu un fort impact sur l’opinion publique.

La professionnalisation : le premier des enjeux

Chaque année, les opérateurs des installations nucléaires suivent six semaines de formation centrées sur la sûreté et le professionnalisme.

L’ensemble de l’équipe de conduite participe pendant deux semaines à des mises en situation sur simulateurs, répliques exactes du pupitre d'une salle de commande. 700 scénarios peuvent y être simulés, qu’il s’agisse de fonctionnement normal, incidentel, accidentel ou même des cas les plus improbables.