L'affaire du plutonium de Cadarache

 

De quoi s'agit-il ?

Le MOX fabriqué à Cadarache est un combustible nucléaire Mixte (le M de MOX) car il est constitué d'OXydes (le OX de MOX) d'uranium (environ 95%) et de plutonium (environ 5%).

Le plutonium étant radioactif (contrairement à l'uranium qui n'est quasimment pas radioactif) il convient de s'en protéger. C'est pourquoi ce combustible est fabriqué dans ce qu'on appelle des "boites à gants" : des boites en verre plombé totalement étanches permettant à la fois de confiner toutes les matières (pour ne pas disperser le plutonium notamment) et de protéger les opérateurs qui n'interviennent à l'intérieur de la boite que de manière occasionnelle (toutes les opérations courantes sont automatisées pour limiter au maximum l'exposition du personnel à la radioactivité) avec des gants épais et étanches.

L'affaire de Cadarache : en octobre 2009 il s'est avéré qu'il y avait un peu plus de plutonium que ce qui avait été estimé déposé lors du processus de fabrication dans les boites à gants. Il s'agit d'une poudre fine et dispersée qui s'accumule en petites quantités sous forme de poussières dans les boites à gants.

En tout (sur l'ensemble des 400 boites à gants) la quantité de plutonium en excès se trouvant dans les boites à gants par rapport à ce qui avait été estimé serait de 30 kilos, soit une centaine de grammes par boite à gants en moyenne. Cette quantité est loin de toute masse critique (plusieurs kilogrammes).

Il ne s'agit pas de plutonium qui a disparu mais au contraire de plutonium en excès.

Ce plutonium provenant essentiellement de réacteurs à eau sous pression n'est pas de qualité militaire (composition isotopique).

Pour qu'il y ait un risque de criticité il faut que toute la masse de plutonium soit rassemblée au même endroit (masse compacte) ce qui n'est absolument pas le cas : la poussière est dispersée un peu partout dans les boites à gants qui peuvent faire plusieurs mètres de longueur. Il n'y a pas de risque d'atteindre ainsi une masse critique.

Ces 30 kilos de plutonium représentent environ 1 / 10 000 ème de la quantité de plutonium qui a transité par les boites à gants.

Les mesures de poids lors des inventaires d'entrée et de sortie ne sont pas supérieures à 1/10 000 ème.

Il n'y a donc aucun "scandale" ou détournement ni erreur dans les inventaires. Il est normal de prendre en compte la précision des mesures.

Voici par Jean-Marie BERGNIOLLES quelques éléments d'information sur la fabrication du MOX :

En fait ces ~30 kilos constituent la masse résiduelle globale de plusieurs centaines de tonnes de poudre d'oxyde de plutonium qui sont passées par cet atelier. Les deux charges de Super Phénix représentait déjà 10 tonnes de Plutonium oxyde.

Le processus de fabrication (En France, ailleurs il existe des procédés différents) du combustible MOX est schématiquement le suivant :

La poudre d'oxyde de plutonium provenant du retraitement est broyée avec une petite quantité d'oxyde d'uranium, puis diluée mécaniquement avec de la poudre d'uranium, pour atteindre la proportion d'environ 5% de Pu. La poudre résultante est conditionnée en pastilles combustibles, puis frittée dans des fours sous atmosphère contrôlée. Le grain combustible final dans la pastille est d'une dimension de 10 à 20 microns.

L'ensemble du processus vise à obtenir une répartition homogène du plutonium dans la pastille, ce que rend difficile la grande capacité de diffusion du Plutonium. Il en va de même en réacteur lors de la combustion. Il y a d'importantes redistributions de Pu dans l'axe radial de la pastille. Dans les rapides, il peut même se former un trou au centre de la pastille.

Les résidus se trouvent donc dans les boites à gants, les broyeurs et les fours... Donc très dispersés, il y a en particulier plus de 400 boites à gants.

(Tout cela pour dire aussi que la technologie nucléaire est complexe, qu'il y a tout un savoir faire derrière. La mise au point du combustible U-PuO2 pour la filière rapide a pris du temps, au centre d'études de Fontenay aux Roses au début des années 60, à partir de l'idée d'utiliser un combustible oxyde ramenée des US par G Vendryes.

De même, on ne réalise pas facilement une bombe atomique. Il y a eu semble-t-il dans la nature des réacteurs nucléaires naturels, mais, malheureusement, la bombe atomique sur terre est bien l'œuvre de l'homme. Contrairement à l'idée fausse répandue, nucléaire civil et militaire sont bien distincts et les ponts entre les deux sont complexes et très indirects).

un peu d'histoire

Au tournant des années 90, dans le domaine de l'électronucléaire, avec Super Phénix et les études sur les réacteurs à eau, concrétisée par l'EPR, grosse amélioration des REP notamment sur le plan de la sûreté, la France était à la pointe mondiale. Cela a donné lieu a des coopérations assez importantes avec le Japon, l'Inde, la Chine et même l'Allemagne, l'Angleterre, l'Italie, ainsi que les US évidemment...

Le nucléaire constituait réellement un point fort de notre pays, qui n'en a pas tant que cela dans la féroce compétition mondiale. Sans compter l'emploi, le moteur pour la recherche (applications médicales examens et thérapie, physique nucléaire et astro physique, sciences de la matière et du vivant.. ) et les applications industrielles, les retombées en calculs numérique .... On ne réalise pas à quel point le nucléaire civil est important pour la France (l'autre aussi malheureusement).

On ne dit pas tout à la TV et dans les médias. En fait on cache et déforme beaucoup les réalités et les faits. C'est particulièrement vrai pour le nucléaire.

Remarques sur les problèmes de criticité

Si l'on examine les problèmes de criticité liés à cette masse résiduelle de 30 kilos de poudre U-PuO2, il faut prendre en compte deux choses :

a) Si l'on rassemble cette poudre directement, il faut considérer que les neutrons émis sont des neutrons de fission, non modérés, donc « rapides », de quelques Mev. L'élément fissile le plus favorable à la réaction en chaîne est alors le Pu en faible quantité relative. Le reste, l'uranium faiblement enrichi est par définition fait pour fonctionner avec des neutrons thermiques. Pour avoir un effet de modération des neutrons il faudrait donc un mélange avec de l'eau, de la poudre de graphite…

b) Donner une masse critique pour une poudre, sans y associer une forme géométrique ne signifie rien. Dans l'accident de Tokaï Mura la poudre d'uranium enrichi a été versée dans une cuve ….

JMB

 

 

 

 

 

> Message du 16/10/09 22:46

> De : "nifenecker"

> A : "Jean-Marie BERNIOLLES"

> Copie à :

> Objet : Re: L'affaire du Pu de Cadarache

>

> Bonsoir

> Je souhaiterais rédiger quelque chose qui remette cet incident à sa place : un prétexte de plus pour alimenter l'hystérie antinucléaire. Je verrai la chose comme cela:

> Supposons que 30 tonnes de plutonium (avoir des chiffres aussi précis que possible) soient passées par l'atelier. Une erreur d'estimation de 32 kilos correspond à une erreur de 1 pour mille. J'aimerais comprendre le processus de fabrication du MOx. J'imagine que l'on faisait entrer dans la boîte deux containers contenant l'oxyde de plutonium d'une part, l'oxyde d'uranium d'autre part. Supposons qu'on entre 1 kg de Pu et 5 kg d'uranium (cas du combustible Phénix et SPX) ou 200 g de Pu et 5 kg d'U (MOx). Chiffres à préciser. J'imagine qu'on peut mesurer la masse entrante à 1 gramme près dans les deux cas (Pu et U). Pendant le séjour du Pu dans la boîte à gant des contaminations sont inévitables (ne serait-ce que par sputtering du Pu du fait de la radioactivité alpha). En fabricant des cibles de Pu j'ai observé moi même le phénomène. Est-il possible de contrôler et de mesurer la quantité déposée et la quantité de Pu incluse dans le combustible au millième près, et, si oui, comment?

> Je suppose que les boîtes à gants ne sont jamais ouvertes sauf quand on les met hors service. Il me semble que la principale expérience d'un démantèlement d'atelier Pu d'une dimension représentative a dû être celle de FAR. Avons nous des données sur celle-là? Comment les intervenants à Cadarache ont-il pu avoir une estimation du plutonium restant dans les boîtes? Je pense qu'il y aura aussi des surprises lorsqu'on démantèlera des ateliers à La Hague.

> Cordialement. H.Nifenecker

>

> a écrit :

 

L'affaire du Plutonium de Cadarache

 

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Ce n'est pas un accident nucléaire mais un problème de comptabilité de matière fissile, qui normalement fait l'objet d'un contrôle régulier de la part des inspecteurs de l'organisme de sûreté.

 

Là, il n'y a aucun risque d'accident de criticité, en particulier parce que ces kilos, principalement sous forme de poudre, sont dispersés.

> L'atelier Pu de Cadarache qui date des années 60 a été conçu à l'origine pour la fabrication des combustibles Pu pour la filière "rapide" que l'ont conditionne sous forme de pastilles à partir de poudre, par frittage. Les deux charges de combustible de Super Phénix y ont été fabriquées. C'est déjà plusieurs tonnes de Pu ! L'atelier a ensuite été reconverti pour le combustible MOX des réacteurs à eau légère REP, mixte d'oxyde de plutonium et d'uranium, toujours sous forme de pastilles. Récemment, pour un contrat spécifique d'évaluation pour les USA, un peu plus d'une centaine de kilos de Pu américain y ont été traités (C'était déjà un drame annoncé pour les anti nucléaires). {{Donc l'atelier a vu passer des tonnes de Pu.

 

Le niveau 2 de l'échelle accidentelle, pas un grand niveau tout de même, défini par les responsables de la sûreté est un niveau fictif. Il suppose la possible concentration en une masse continue et géométrique,- cube, sphère .. - de tous ces kilos de poudre de Pu. Ce qui n'est absolument pas le cas. Les décontamineurs qui l'extraient n'en font évidemment pas un gros tas sur le plancher de l'atelier!.

 

Il y a déjà eu des accidents à Cadarache, - explosion d'hydrogène dans un opération liée au démantèlement de Rapsodie/ Fortissimo, prototype de la filière rapide datant de 1967 et arrêté depuis longtemps, petit rejet d'Iode radioactif récemment, ... -, mais ce n'est pas un centre nucléaire qui peut être à l'origine d'un accident majeur. Par exemple, on a fermé cet atelier Pu parce qu'il n'était plus conforme aux normes de résistances au séisme de référence. Il faut tout de même savoir que l'on prend des marges considérables dans les hypothèses. L'épicentre du séisme se situerait de l'autre côté de la Durance, plus près de Manosque donc. Il est dans la pratique atténué et son spectre modifié. Et si in fine les murs de l'atelier se fendent, tombent .., cela ne conduit absolument pas à une explosion nucléaire. Évidemment on ne peut pas accepter ce cas de figure. D'où l'arrêt de l'atelier maintenant définitif.

 

Il est clair que beaucoup de gens d'horizons divers, pas seulement les anti nucléaires, veulent la mort de Cadarache, plus de 4500 emplois directs, parce que c'est le centre d'études expérimentales et théoriques clé pour mettre au point les réacteurs nucléaires.

 

Ainsi on voit Michel Vauzelle, qui est bien content d'importer en PACA du courant d'origine nucléaire, faire semblant de s'inquiéter pour la population et les travailleurs du site. Peut-être devrait-il, sur ce point considérer surtout que cela met au chômage technique les décontamineurs (environ 80) concernés par les opérations de démantèlement, qui de toute manière devront bien intervenir.

 

Le Val de Durance est déjà en voie de désindustrialisation accélérée,- ARKEMA ferme son usine de Saint AUBAN, le site SANOFI est menacé... -, veut-on encore aggraver la situation ? le taux de chômage des Alpes de Haute Provence est déjà un des plus haut de la région PACA.