DEBAT NATIONAL SUR LES ENERGIES

 

UNE REFLEXION SUR L’EVOLUTION DES TRANSPORTS AU 21ème SIECLE

 

Par Jacques FROT

 

Les hommes connaissent aujourd’hui deux menaces simultanées :

  • l’épuisement des ressources de pétrole et de gaz naturel
  • le changement climatique dû à l’accroissement de l’effet de serre

 

Au 20ème siècle s’est développée dans les pays riches (20% de la population mondiale) une société qui consacre aux transports près du 1/3 de l’énergie qu’elle consomme et quasiment la moitié du pétrole. C’est une société " automobilistique " dont rêvent les autres 80% de la population mondiale, celle des pays pauvres ou émergents.

 

Une mondialisation de cette société " routière " ne pourrait qu’accélérer la transformation de ces deux menaces en réalités économiquement catastrophiques (disparition du pétrole) ou en cataclysme météorologique.

 

Il faut donc imaginer autre chose.

 

 

L’hydrogène

 

Théoriquement, c’est-à-dire sur le plan de la physique théorique, l’hydrogène pourrait se substituer aux carburants traditionnels que sont l’essence, le gazole, le gaz, les GPL, le fuel. Il a l’avantage d’être inépuisable : extrait de l’eau il y retournerait -sans polluer l’atmosphère- sous forme d’eau après combinaison avec l’oxygène produit lors de sa fabrication.

Mais si l’on y regarde de plus près, quittant la théorie pour s’aventurer dans la technologie, on découvre :

  1.  
  2. que l’hydrogène n’existe pas dans notre bio-sphère et que, pour le fabriquer, il faut -quelle que soit la technique de fabrication- dépenser beaucoup plus d’énergie qu’il n’en restituera en se recombinant à l’oxygène ; à cela l’inventivité des hommes n’y pourra rien car il s’agit d’un aspect fondamental de la physique ; quant à l’énergie susceptible d’alimenter le processus de fabrication elle devrait bien sûr ne pas être d’origine fossile : maîtrise de l’effet de serre et raréfaction du pétrole et du gaz obligent ;

     

  3. que l’hydrogène, même comprimé sous un maximum de 700 bars ou liquéfié sous grand froid (-253°c) aurait une densité 10 fois moindre que celle de l’essence et un pouvoir énergétique au kg (sans parler du poids et de l’encombrement d’un réservoir capable d’assurer, en toute sécurité, un transport sous une telle pression ou en le maintenant à une température aussi basse) 4 fois plus faible que celui de l’essence. Certes d’autres modes de transport sont imaginables, sous forme d’hydrures par exemple mais restent formidablement complexes face à la facilité du transport de carburant pétrolier sous la bonne vieille et naturelle pression atmosphérique (sauf pour les GPL et gaz naturel) et à la température ambiante.

En résumé l’hydrogène est au mieux un vecteur énergétique au coût décourageant, certainement pas une source d’énergie. On ne voit pas bien aujourd’hui comment il pourrait un jour remplacer les carburants que nous connaissons.

 

Alors : quoi d’autre ?

 

 

Pour les personnes : les transports en commun

 

On pense ici, pour les longues distances, au chemin de fer et au bus ; dans les villes aux tramways, métros, trolley-bus, voiture individuelle électrique, vélo, marche, rollers, patins à roulettes. Voir en annexe un graphique qui compare les consommations en passager.km des divers moyens de transport des personnes.

Les trains, métro, tramways, trolley et voitures électriques sont alimentés avec une électricité qui sera propre si elle n’est pas d’origine fossile : nucléaire ou énergies renouvelables.

 

Sur les longues distances le confort des passagers aux deux extrémités sera assuré par des liaisons urbaines soit individuelles (voitures électriques propriétés ou louées) soit par des transports en commun urbains. Le bus sera également une solution confortable, économique (songeons au pétrole à 50 voire 100$/baril) et presque écologique puisque, au passager x km il consomme 3 à 5 fois moins qu’une voiture particulière.

 

En ville : la voiture électrique (taxi ou personnelle) est promise à un bel avenir puisqu’elle évite la pollution urbaine et la pollution atmosphérique tout court à condition que l’électricité qui lui est fournie ne soit pas d’origine fossile. Les tramways ou trolleys en sites propres permettront à leurs usagers de se déplacer en ville plus vite qu’ils ne le font aujourd’hui avec leur voiture. Quant au vélo il ne s’agit pas d’un rêve impossible : c’est une réalité bien vivante par exemple en Hollande…alors pourquoi pas dans le pays du Tour de France ?

 

Bien sûr tout cela ne se fera pas d’un claquement de doigt ; il s’agit d’un changement profond de comportement, quasiment d’un changement de société : les quelques décennies de pétrole qu’il nous reste pourraient néanmoins y suffire à condition de ne pas tarder à l’entreprendre. Quant au délai que nous accorde encore la menace de changement climatique nul ne le connaît.

 

 

Pour les transports terrestres de marchandises : ferroutage et fluvial

 

Le ferroutage présente les deux avantages de la sécurité et de l’électricité contre le léger handicap de délai de transport accru à cause des deux ruptures de charge : le bilan en est clairement positif ; en particulier sur le plan pollution atmosphérique à condition, à nouveau, que l’électricité ne soit pas d’origine fossile.

Le transport fluvial offre, face au handicap de la faible vitesse, les avantages de la sécurité et de l’économie considérable d’énergie. Les allemands ne s’y sont pas trompé qui ont construit et exploitent avec succès la liaison Rhin-Danube. Au contraire, les gouvernements français ont joué un bien vilain tour à l’écologie en renonçant à la liaison Rhin-Rhône pour des raisons peu claires et dont on a du mal à imaginer qu’elles se situent dans les gesticulations de minorités mal inspirées dans leur prétendue défense de l’environnement.

 

 

Pour les transports maritimes de marchandises

 

Ils pèsent peu dans la consommation mondiale de produits pétroliers. Mais lorsque le pétrole disparaîtra ou deviendra d’un prix exorbitant il faudra bien trouver autre chose qui ne soit pas un retour au charbon. D’ici quelques décennies on peut imaginer -rêver !- que les cargos, y compris les tankers pétroliers, fonctionneront avec des réacteurs nucléaires et que les marins d’alors seront, dans leur discipline d’exploitants, plus rigoureux que les fauteurs de marées noires d’aujourd’hui. Les premiers sous-marins nucléaires ont commencé leur carrière il y a 50 ans : l’exploitation de réacteurs marins en surface n’est certainement pas plus problématique.

 

 

Pour les transports aériens

 

Durant la 2ème guerre mondiale l’Allemagne, riche de chimistes talentueux, a su fabriquer son carburant aviation à partir du charbon. On sait et l’on saura toujours fabriquer ce genre d’hydrocarbures synthétiques ; mais le problème de gaz à effet de serre subsistera. On parle également d’hydrogène : voir plus haut le problème de son coût et de son transport. Après tout, lorsque les transports terrestres se seront affranchis des énergies fossiles, on peut toujours espérer qu’il restera suffisamment de pétrole pour les avions et que les gaz associés ne dépasseront plus les capacités d’absorption de l’atmosphère.

 

 

En guise de conclusion

 

Dans les pays développés -et quels sont les pays émergents ou pauvres qui ne souhaitent pas devenir riches ?- les transports dévorent 1/3 de l’énergie consommée. Ils sont le premier émetteur de gaz à effet de serre donc le premier pourvoyeur du risque de catastrophe ou de cataclysme climatique.

Il ne peut être question de supprimer les transports des hommes ou des marchandises, car les transports sont le support incontournable des échanges commerciaux, eux-mêmes indispensables au développement de richesses dont ont tant besoin plus de 4 milliards d’individus encore insuffisamment riches.

L’épuisement du pétrole et la propreté de l’atmosphère imposent aux hommes de se diriger dès maintenant vers des systèmes de transports différents et tournés au maximum vers l’usage d’une électricité fabriquée de façon non polluante.

 

C’est mondialement nécessaire, c’est urgent et c’est possible.

 

 

  • Jacques FROT
  • Ingénieur pétrolier

    Animateur de GR.COM Groupe de COMmunication

    de l’AEPN Association des Ecologistes Pour le Nucléaire