La fin de l'ère du pétrole approche,
sommes-nous prêts ?

Les réserves mondiales de pétrole sont estimées à 142,1 Gtep, soit 40 ans de réserves (*), mais il est intéressant de noter que ce chiffre s'entend AU RYTHME DE CONSOMMATION ACTUELLE, laquelle consommation en fait n'a de cesse d'augmenter d'année en année notamment en raison du développement des PVD (mais aussi chez nous, dans une moindre mesure notamment du fait de l'augmentation des transports). Par exemple, la seule augmentation de la consommation d'énergie de la Chine représente tous les deux ans, l'équivalent de la consommation d'énergie de la France entière. Idem pour l'Inde... et l'Amérique du Sud qui suit de près... et bientôt l'Afrique...

La réalité prévisible est donc non pas de voir les réserves de pétrole s'amenuiser dans 40 ans mais plutôt dans 30 ans en tenant compte d'une augmentation de l'ordre d'un tiers de la consommation mondiale de pétrole d'ici 20 ans.

Après l'age de fer, l'age de bronze, l'age du charbon, nous vivons actuellement les dernières années glorieuses et insouciantes de l'ère du pétrole.dont le déclin annoncé approche à grands pas, ère qui s'achèvera définitivement au 21 ème siècle.

Compte tenu du fait qu'il faut au moins 20 à 30 ans pour développer des infrastructures énergétiques, notamment un programme nucléaire d'une certaine importance (par exemple la France a décidé son programme nucléaire en 1973, a mis le paquet et la dernière tranche de ce programme a été livrée en 1999, soit 26 ans plus tard) il y a URGENCE à agir, à préparer l'ère de l'après-pétrole et à se réveiller pour prendre les décisions adéquates suffisamment longtemps AVANT qu'il n'y ait plus de pétrole.

Pour éviter d'aller dans le mur et voir s'effondrer notre civilisation dans le siècle en cours, c'est AUJOURD'HUI (ou rapidement) que le monde entier doit faire des choix radicaux et construire les infrastructures correspondantes.

Avant de s'occuper du développement durable à échéance de milliers d'années, ou de se gargariser à n'en plus finir dans les medias à propos du devenir des déchets nucléaires dans des millions d'années (problème certes important, mais ceux-ci sont totalement inoffensifs y compris à long terme s'ils sont bien conditionnés), nous ferions bien de nous soucier de ce qu'il adviendra de notre monde et de notre civilisation dans 50 ans.

On peut s'attendre à une très grave crise pétrolière bien avant l'épuisement des réserves, d'une part par anticipation, et d'autre part du fait de la concentration des réserves ultimes de pétrole aux mains d'un très petit nombre de pays fort peu démocratiques : aujourd'hui, les deux tiers des réserves exploitables de pétrole sont au Moyen-Orient dans la région du Golfe Persique (Arabie Saoudite, Iran, Irak, Koweit, Emirats Arabes Unis).

Actuellement, dans un souci légitime de diversification des sources d'énergie, nous pompons avidemment le pétrole ou le gaz d'autres régions (mer du Nord, Venezuela, Indonésie, Gabon..) mais ces champs pétrolifères périphériques plus petits que ceux du Moyen Orient vont s'épuiser en premier.

C'est ainsi que dans une vingtaine d'années ce sera non plus les deux tiers mais de l'ordre de 80% des réserves restantes qui seront concentrées dans un petit nombre de pays du Moyen Orient.

La tentation risque d'être alors forte de "couper le robinet" à certains pays (sans doute ceux qui seront alors les moins armés militairement - les Etats-Unis l'ont bien compris, l'Europe qui fait preuve de davantage d'angélisme pas encore) et de déclencher des guerres pour s'assurer le contrôle du peu de réserves restantes, cf la guerre actuelle en Irak qui n'est sans doute que le premier maillon d'une série de guerres sans pitié pour controler dans les prochaines décennies le pétrole qui restera à exploiter... A noter qu'il faut aussi une bonne vingtaine d'années pour construire une armée d'une certaine importance.

Une guerre du pétrole majeure aux répercussions mondiales est ainsi prévisible de manière certaine au plus tard en 2040, mais très vraisemblablement bien avant, dans les 20 prochaines années sans qu'on puisse exactement en prévoir la date, ni le lieu et le moment de déclenchement exact, et je ne serai pas surpris qu'une première crise grave se produise déjà avant 2005-2006. La guerre ACTUELLE en Irak n'est déjà pas étrangère à ces considérations, les Etats-Unis ayant bien compris l'intérêt de contrôler la région.

Cette région du monde est une poudrière qui est la clé de l'avenir de tous les peuples. Cette poudrière nous explosera à la figure si nous ne faisons pas RAPIDEMENT les bons choix. Si on attend d'être dans le mur (c'est-à-dire lorsque le robinet du pétrole se fermera faute de pétrole), il sera trop tard.

Les économies d'énergie sont nécessaires et doivent être une PRIORITE, mais si l'on arrive à consommer moins (et on n'en prend vraiment pas le chemin pour l'instant puisque dans tous les pays, même les plus gros consommateurs et y compris en France, la consommation continue à augmenter d'année en année) il faudra néanmoins continuer à produire de grandes quantités d'énergie.

Les énergies renouvelables pourront participer - un peu - mais elles sont bien loin de pouvoir prendre la relève (énergies trop douces, trop diluées, trop chères, inconstantes dans le temps, problème de stockage), et il ne faut pas se faire trop d'illusions à ce sujet.

Le charbon est la seule source d'énergie autre que le nucléaire qui permette d'envisager d'arriver à peu près sereinement à la fin du 21 ème siècle (environ 300 ans de réserves, mieux réparties dans le monde que celles de pétrole) sans quitter la civilisation industrielle pour revenir au Moyen age.

Malheureusement le charbon contribue encore plus que le pétrole à l'effet de serre et le changement climatique atteint déjà aujourd'hui un niveau alarmant. Il ne semble donc guère raisonnable de remplacer tout le pétrole par du charbon, ni même d'augmenter la consommation de charbon alors qu'on cherche à réduire les émissions de CO2.

Le gaz permettra de disposer d'un petit sursis de quelques années (réserves estimées à 70 ans au rythme ACTUEL de consommation) mais il contribue lui aussi massivement aux émissions de CO2 quoiqu'un peu moins que le charbon. Sa consommation augmente très rapidement et le recours au gaz ne fera donc qu'aggraver encore plus le réchauffement climatique, en ne repoussant que de quelques années les problèmes survenant du fait de l'épuisement du pétrole.

Il est ainsi urgent de développer TOUTES les autres énergies que le pétrole, le gaz et le charbon (c'est-à-dire le nucléaire et les renouvelables) dont l'humanité va avoir grand besoin. Aucune énergie ne sera de trop particulièrement lors de la période de transition de l'ère du pétrole vers celle de l'après-pétrole, période qui approche à grands pas. Cette transition se manifestera probablement, comme toutes les transitions, par des crises. Il s'agit d'un sacré défi à relever et rien moins que la transition vers une nouvelle ère, celle du nucléaire, du vent et du soleil (qui ne pourront suffire à faire face à l'ordre de grandeur des besoins actuels) et de l'évolution vers un mode de vie plus proche de la nature et moins énergivore.

Bruno Comby
Responsable de la Commission Energie - GE LES BLEUS
Président de l'AEPN - www.ecolo.org

 

(*) Mémento sur l'énergie / Energy Data Book, CEA, Edition 2002, page 38