10 000 réacteurs nucléaires pour combattre l’accroissement de l’effet de serre

EST-CE CREDIBLE ?

Par Jacques FROT

 

Mr Hervé NIFENECKER, Conseiller Scientifique au CNRS, ancien Prix LECOMTE de l’Académie des Sciences, imagine de maîtriser le problème mondial de l’accroissement de l’effet de serre via une multiplication par 30 de la production nucléaire d’ici 2050. Ben voyons !

Intéressante réflexion … qui fait d’abord sourire…

Voyons un peu : multiplier la puissance installée par 30 cela reviendrait à construire, en 50 ans, l’équivalent d'environ 10 000 réacteurs de puissance unitaire 1000 MWe (1 million de kWe chacun). Soit 10 000/50 = 200 nouveaux réacteurs chaque année, à travers le monde ! Pas moins, mais au diable l’avarice.

Cela coûterait pas mal d’argent, évidemment : 300 000 millions d’Euros / an (ou de$ c’est quasiment pareil) pendant 50 ans à raison de 1,5€/watt.

300 000 millions de $ c’est 300 milliards de $ chaque année !!

Est-ce possible financièrement ?

Le Produit Brut mondial (PB) annuel est de l’ordre de 30 000 milliards de $/an. 300 milliards de $ divisé par 30 000 milliards cela fait 0,01 = 1%

C’est donc 1%, pas plus de un malheureux % de ce PB mondial qu’il faudrait, chaque année et durant 50 ans, consacrer à la construction de ces réacteurs ? Ben oui : pas plus !!!

L’effet de série (même avec plusieurs filières, 200 réacteurs/an permettent un effet de série) diminuerait probablement le coût unitaire de 10 % ou plus . On peut donc considérer que le financement des efforts de R&D nécessaires au développement de nouvelles filières de réacteurs sont couverts par cette enveloppe annuelle de 300 milliards de $. (300 milliards x 10% = 30 milliards de $ /an pour la R & D nucléaire mondiale c’est quand même pas mal)

Hervé NIFENECKER nous dit : " 100 réacteurs (au lieu des 60 actuels) en France " ce qui n'a rien de choquant ; de façon homothétique : 500 aux USA non plus ça ne choque pas, 200 au Japon ça peut peut-être poser problème, 1000 en Chine il y a la place comme dans la majorité des pays émergents.

Mais il faudra certainement quelques décennies pour créer, dans ces pays émergents, la culture de sûreté indispensable. N’oublions pas que la vraie cause première, fondamentale de TCHERNOBYL ce fut le manque de culture de sûreté. Les pays de l’OCDE devraient tout de suite aider les pays en développement à développer une culture de sûreté. Durant les 10, 20 ou 30 ans nécessaires au développement des nouvelles filières cette culture de sûreté peut et doit être implantée.

Il y a 100 ans on aurait fait rigoler en imaginant des trains confortables qui rouleraient à 300 km/hr alors qu'on était brassé à 50 à l'heure derrière des locomotives fumantes et puantes (on les aimait bien quand même). Alors 10 000 réacteurs dans 50 ans au lieu de 500 aujourd'hui, non seulement ça paraît possible mais c'est souhaitable et... probablement incontournable si l'on veut aller vers une planète distribuant le bien-être de façon raisonnablement généreuse, universelle, équitable, propre et durable. L’énergie nucléaire est à l’aube de son histoire comme l’étaient les chemins de fer du 19ème siècle : inaugurant la ligne de St Germain en Laye, le Roi disait en aparté " aucun avenir, les jours de pluie les roues patineront sur les rails ". Gardons nous de croire que la technologie du nucléaire a déjà fait le tour de la question.

Tout ce que vous dites sur le sujet, Monsieur NIFENECKER, ça fait d’abord sourire, mais finalement, à la réflexion, ça tient sacrément le coup.

Jacques FROT

Ingénieur pétrolier

Ancien Directeur dans le Groupe Pétrolier MOBIL OIL

Membre du Comité Scientifique de l’Association des Ecologistes Pour le Nucléaire