NIVEAU RADIOLOGIQUE DES DEPOTS SEDIMENTAIRES RECENTS LOCALISES SUR LES PLAGES DU LITTORAL CAMARGUAIS

1.Introduction | 2.Question : établir la réalité et l'importance du phénomène | 3.Question : rechercher les causes et en particulier en déterminer l'origine naturelle ou anthropogénique | 4.Question : proposer le cas échéant les mesures de précaution et/ou de restauration nécessaire | 5.Conclusion | 6.Le point de vue minéralogique | Photographies

7 avril 2000
 

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Top Of Page1.Introduction

La CRII-RAD a détecté des flux de rayonnement anormalement élevés sur certaines plages du littoral camarguais : à l'est et à l'ouest des Saintes Maries-de-la-mer et à l'est du phare de l'Espiguette. Les relevés radiamétriques signalent une situation totalement atypique pour la région avec des flux de rayonnement gamma émis par le sol fluctuant entre 100 et 850 coups par seconde (cps/s) pour un niveau naturel attendu de l'ordre de 50 cps/s. Les 26 et 31 mars des échantillons de sable ont été prélevés. Ils ont fait l’objet d’analyses par spectrométrie gamma qui ont révélé la présence de radionucléides naturels qui appartiennent aux chaînes de désintégration de l'uranium 238 et du thorium 232. Les teneurs en radionucléides naturels sont anormalement élevées : de l'ordre de 5 à 50 fois les niveaux attendus dans la région comme sur les plages de Port-Saint-Louis, Beauduc, Carnon. L'échantillon le plus radioactif (prélevé dans les croûtes noires) présente des teneurs de 1 600 Bq/kg pour l'uranium 238 et ses descendants, 2 000 Bq/kg pour le thorium 232 et ses descendants.
Ce document vise à répondre aux questions formulées dans la demande du Ministère de l’Aménagement du Territoire et de l’Environnement du 04.04.2000 (Réf. CA/RI/DG/ipsn15) :

Top Of Page2.Question : établir la réalité et l'importance du phénomène

2.1.Mesures radiamétriques

Le dimanche 2 avril 2000 une équipe IPSN/DPRE/SERNAT s’est rendue sur les lieux indiqués par la CRIIRAD. Des relevés radiamétriques ont ainsi été réalisés à l’est des Saintes Maries de la Mer à la Baisse de La Blancarde (point C1) et du Radeau (point C2) au Grau Impérial (point C3) ainsi qu'à l'ouest des Saintes Maries de la mer à Tahiti Beach (point C4) et au petit Rhône, quai d'embarquement du Tiki (point C5). Voir carte ci-dessous.
Sur les sites C1 et C2, très ponctuellement des flux de rayonnements atteignant 1600 cps/s au contact du sol sont mesurés, soit 20 fois le bruit de fond de la même zone (80 cps/s). Le débit de dose mesuré au contact du sol sur ces points chauds atteint 1,9 µSv/h.
Ces flux sont directement associés à la présence d’un dépôt très caractéristique, trié suivant un gradient de couleur : noir, violet, rouge et jaune-vert. Il s’agit d’un dépôt très superficiel (1 à 2 cm), distribué en tâches très localisées, réparties le long de la plage, à quelques mètres du rivage et sur les faces sud et est des dunes proches du rivage et disposées perpendiculairement à la côte.
On note un gradient décroissant de flux de rayonnement du bord de mer vers le fond de plage avec un retour au bruit de fond au niveau du chemin de la Digue à la mer. Ceci indique un étalement par le vent de sud-est (force 7-8, le jour des mesures). En revanche, dans la zone balayée par les vagues, les flux sont proches du bruit de fond (100 cps/s).
Il y a donc bien des augmentations significatives du flux de rayonnement gamma au niveau de dépôts sédimentaires superficiels caractéristiques très localisés sur quelques kilomètres de ces plages. Les plus grandes des taches représentent des surfaces de plusieurs mètres carrés.

Carte des mesures radiamétriques (C) et des prélèvements de sédiments (C1 et C2) effectués le 02/04/2000 ainsi que des stations de l’Observatoire permanent de la radioactivité de l’IPSN (OPERA) dans la zone. Des prélèvements de sédiments sont réalisés trimestriellement sur Faraman et Carteau et ponctuellement sur Roustan et le Petit Rhône.

Photographies prises le 02/04/2000. Plage est des Saintes-Maries de la mer, Baisse de la Blancarde. Point de prélèvement C1.

2.2.Mesures des radionucléides

Des prélèvements de ces sédiments caractéristiques ont été réalisés sur deux sites, en raclant les dépôts les plus superficiels (0-2 cm), en quantité suffisante (15 kg) pour permettre un éventuel fractionnement par tamisage ainsi qu'un prélèvement pour analyses chimiques d’éléments majeurs et traces (notamment les terres rares) et pour analyses minéralogiques.
Les mesures ont été réalisées sur les échantillons secs conditionnés dans des géométries cylindriques de 60 ml de volume. Les valeurs reportées dans le tableau ci-joint concernent les radionucléides caractérisés par des photons d'énergies supérieures à 100 keV, corrigées des effets d'autoatténuation (effets de densité). Pour les radionucléides identifiés aux énergies inférieures à 100 keV (Pb-210, Th-234, Th-230) des mesures complémentaires ont été réalisées afin de tenir compte des effets d'autoatténuation liées à la matrice (composition élémentaire).

Tableau des résultats de mesures des radionucléides émetteurs gamma.

Les radionucléides caractérisés par ces analyses sont d'origine naturelle. Il s'agit du potassium 40 et des familles radioactives du thorium et et de l'uranium.

-Les faibles valeurs en potassium 40 montrent que la matière organique est en faible quantité dans ces échantillons. Les faibles teneurs en carbone (de l’ordre de 1,5 %) confirment cette observation.
-Les différents radionucléides constituant les 3 familles naturelles sont à l'équilibre séculaire.
-Le rapport des activités U238/U235 correspond, compte tenu des incertitudes associées, au rapport naturel.
-L'équilibre immédiat (la mesure a été réalisée 3 jours après le prélèvement) constaté avec les descendants du radon (Pb-214, Bi-214 de la famille de l'uranium 238) montre que le radium (et les autres éléments) sont piégés dans les particules minérales de l'échantillon.
Les augmentations significatives du flux de rayonnement gamma observées au niveau des dépôts sédimentaires superficiels sont dues à la présence de radionucléides naturels uniquement. Les valeurs mesurées par l’IPSN sont identiques à celles annoncées par la CRIIRAD.

Top Of Page3.Question : rechercher les causes et en particulier en déterminer l'origine naturelle ou anthropogénique

Des analyses géochimiques complémentaires sont en cours pour préciser l’origine de ces sables uranifères. Cependant, d’ores et déjà il apparaît que les métaux des sables incriminés sont constitués à 70% de Fer et 20% de Titane. C’est donc un mineral lourd de type ilménite (oxyde de fer et de titane fréquent dans les roches dures de l’écorce terrestre). La forte densité de ce minéral expliquerait que les fractions de sables radioactifs se disposent comme des lentilles sableuses résultant du vannage (tri par densité) provoqué par les vagues.
Le mécanisme de dépôt est celui d’un classement des minéraux lourds apportés par les courants marins et concentrés par vannage sur les plages.

L’origine précise des minéraux lourds de ces sables ne pourra être établie que lorsque les résultats des mesures géochimiques seront disponibles. Ces minéraux sont certes d’origine naturelle mais leur source n’est peut-être pas une source primaire locale ; elle pourrait être reliée à une activité industrielle liée au transit et à l’utilisation de minerai, important dans cette région (complexe industriel de Fos-Gardanne et port minéralier à Fos sur mer).
Parmi les hypothèses d’une origine naturelle, l’hypothèse d’une reprise par érosion de possibles accumulations géologiques d’uranium dans le delta du Rhône ne peut pas être invoquée car ce type de processus produirait des déséquilibres dans les chaînes de désintégration de l’uranium et du thorium, déséquilibres non observés dans les échantillons mesurés. De même, l’hypothèse d’apports minéraux par le Rhône ne peut pas être retenue. Les sédiments déposés par le Rhône à ses exutoires à la mer sont analysés dans le cadre des actions OPERA et présentent toujours des activités significatives en radionucléides artificiels (Césium 137 essentiellement) et de faibles activités pour les radionucléides d’origine naturelle contrairement au sable des plages des Saintes Maries qui ne présente aucune radioactivité artificielle.

Top Of Page4.Question : proposer le cas échéant les mesures de précaution et/ou de restauration nécessaire

Afin de justifier d’éventuelles mesures de précaution ou de restauration, des calculs de dose ont été réalisés à partir des mesures d’activité obtenues sur les échantillons prélevés sur les plages des Saintes Maries de la mer. Ce sont les résultats de mesures de l’échantillon prélevé le 8 mars 2000 par la CRII-RAD et référencé A3bis qui ont été utilisés pour le calcul. Les doses efficaces associées à l’exposition de ce type de sable ont été calculées pour deux voies d’exposition : l’exposition externe par irradiation par le sable et l’exposition interne par ingestion par inadvertance de sable. La méthode de calcul appliquée est celle développée par le Groupe Radioécologie Nord-Cotentin.

4.1.Exposition externe par le sable

Dans ce cas, on fait l’hypothèse pénalisante d’une couverture homogène de la plage par une couche d’1 centimètre de sable contaminé. Le calcul d’exposition est réalisé pour une personne se tenant debout sur la plage. La dose efficace associée à 100 heures de présence sur le sable A3bis (1) est de 0,02 mSv. Les principaux radionucléides contribuant à la dose efficace sont le thallium 208, le bismuth 214 et l’actinium 228, chacun contribuant pour environ 1/3 à la dose efficace totale.
A titre de comparaison, le niveau moyen de l’exposition tellurique en France est de 0,5 mSv par an.

4.2.Ingestion par inadvertance de sable

Le calcul a été réalisé pour un adulte (5 mg de sable A3bis1 ingéré par jour) et pour un enfant de moins de 2 ans qui représente la classe d’âge la plus susceptible d’ingérer du sable par inadvertance (100 mg de sable A3bis1 par jour). La dose efficace associée à ce comportement est de 0,001 mSv par an pour l’adulte et de 0,2 mSv par an pour l’enfant de 0-2 ans. Les principaux radionucléides contribuant à la dose efficace sont le plomb 210 (50 à 60%) et le thorium 230 (30 à 40%).
A titre de comparaison, la dose efficace moyenne due à l’ingestion de radionucléides naturels est de 0,2 mSv par an.

Top Of Page5.Conclusion

5.1.Réalité du phénomène

Les valeurs mesurées par l’IPSN sont identiques à celles annoncées par la CRIIRAD.
Il y a bien des augmentations significatives du flux de rayonnement gamma au niveau de dépôts sédimentaires superficiels sur les plages de Camargue.
Les augmentations significatives du flux de rayonnement gamma observées au niveau des dépôts sédimentaires superficiels sont dues à la présence de radionucléides naturels uniquement, en particulier ceux des séries naturelles de l’uranium.

5.2.Importance du phénomène

Les augmentations significatives du flux de rayonnement gamma au niveau de dépôts sédimentaires superficiels sur les plages de Camargue sont caractéristiques de taches très localisés sur quelques kilomètres de ces plages. Les plus grandes taches représentent des surfaces de plusieurs mètres carrés.

5.3.Mécanismes expliquant l’accumulation

Le mécanisme de dépôt est celui d’un classement des minéraux lourds porteurs des radioéléments des séries de l’uranium. Ces minéraux ont été apportés par les courants marins et concentrés par vannage sur les plages.

5.4.Origines possibles

L’origine précise des minéraux lourds de ces sables ne pourra être établie que lorsque les résultats des mesures géochimiques seront disponibles. Ces minéraux sont certes d’origine naturelle mais leur source n’est peut-être pas une source primaire locale ; elle pourrait être également reliée à une activité industrielle liée au transit et à l’utilisation de minerai, important dans cette région (complexe industriel de Fos-Gardanne et port minéralier à Fos sur mer).

5.5.Contre-mesure(s) éventuelle(s)

La dose efficace associée à 100 heures de présence sur le sable A3bis est de 0,02 mSv. A titre de comparaison, le niveau moyen de l’exposition tellurique en France est de 0,5 mSv par an.
La dose efficace associée à l’ingestion par inadvertance de sable est respectivement de 0,001 mSv par an pour l’adulte et 0,2 mSv par an pour l’enfant de moins de 2 ans. A titre de comparaison, la dose efficace moyenne due à l’ingestion de radionucléides naturels est de 0,2 mSv par an.

Il en résulte que les dépôts constatés n’appellent pas a priori de contre-mesures. Toutefois, l’IPSN poursuivra dans les prochaines semaines ses investigations visant à déterminer l’origine de ces dépôts.

(1) Il est supposé que les niveaux d’activité dans toute la hauteur de sable sont ceux mesurés dans le sable A3bis.

Top Of Page6.Le point de vue minéralogique

Selon les analyses et l'interprétation que nous a communiquées M. Jean-Marc MONTEL, professeur de minéralogie à l'Université Paul Sabatier de Toulouse, les composants du sable sont des produits d'érosion provenant vraisemblablement du socle hercynien français (massif central, Maures, Esterel, certains secteurs des Alpes). Après leur transport jusqu'à la mer, c'est l'action des courants et des vagues qui est responsable de leur accumulation dans certains niveaux privilégiés. Ci-après, le rapport préliminaire de l'Etude minéralogique des sables radioactifs de la plage de l'Espiguette

Top Of PagePhotographies

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