Calculs des équivalences
entre énergie primaire et énergie finale :
précisions sur les méthodes de calcul des antinucléaires ou comment les charlatans jouent avec les chiffres

(remanié par l'AEPN sur la base d'un texte transmis par Jean-Michel Gama - 5 avril 2007)

La nouvelle façon de comptabiliser les énergies en tonne d'équivalent pétrole (tep) a fait extrêmement plaisir aux antinucléaires car elle aboutit à minimiser le nucléaire dans l'énergie finale (mais pas dans l'énergie primaire, c'est pourquoi ils préfèrent citer les chiffres exprimés en unités d'énergie finale).

Pourtant, ce qui compte, c'est aussi ce qu'on a réellement consommé sur l'ensemble de la chaine (y compris dans l'usine de production, pas seulement chez l'utilisateur final), c'est à dire l'énergie primaire.

Mais ce n'est qu'une question de coefficients et de méthode de calcul arbitraire.

Il y a en effet plusieurs méthodes possibles pour calculer les équivalences en TEP (tonnes d'équivalent pétrole) d'énergies provenant de différentes origines (gaz, charbon, pétrole, hydraulique, etc.), de même que pour comparer la qualité respective des torchons et des serviettes ou encore le poids d'une récolte agricole (poids sec ou poids humide, pesé avec ou sans les déchets non comestibles de la plante récoltée...), comme nous allons le voir.

Tout orateur qui utilise le concept de TEP se doit donc de bien préciser de quelle TEP il s'agit. Et, pour se faire une opinion juste, celui qui entend le discours doit avoir bien compris de quelle TEP il s'agit, car si les unités ne sont pas précisées ou pas bien comprises par l'un ou l'autre, l'opinion qui en résulte sera forcément déformée. Quand on parle de température, il faut savoir à quelle échelle on se réfère (°C ou °F) avant de conclure qu'il fait très chaud ou très froid au vu d'un simple chiffre.

Ce qui importe, c est de bien comprendre la méthode de calcul et les échelles ou équivalences qu'on utilise pour savoir précisément de quoi l'on parle et de bien l'expliquer à quelle échelle on se réfère et à quoi correspond cette échelle quand on cite des chiffres.

Pourtant, quand des chiffres sont cités dans la presse par les antinucléaires, ils prennent souvent la méthode de calcul (le thermomètre) qui les arrange pour minimiser la part du nucléaire, sans préciser de quelle méthode de calcul il s'agit et en omettant surtout de préciser que ce mode de calcul désavantage d'emblée le nucléaire d'un facteur 2 ou 3 (ou plusieurs millions lorsqu'il s'agit de becquerels et de curies), ce qui conduit bien sûr à des chiffres en apparence minuscules pour la part du nucléaire dans l'énergie totale utilisée dans le monde, ou au contraire des chiffres très élevés lorsqu'il s'agit d'exprimer des niveaux de contamination.

C'est un peu comme si pour mesurer la taille de votre enfant vous choisissiez le kilomètre comme unité : votre enfant paraitrait tout petit, il ne mesure que 0,001 ! En réalité il mesure 1m, ce qui semble plus normal, mais c'est la même chose! A l'inverse si l'on veut qu'il paraisse très grand, il suffit de mesurer la taille d'un enfant en millimètres, le même enfant mesurera alors 1000 unités de taille, ce qui parait (en apparence seulement) beaucoup plus grand. Ceci est une astuce simple pour faire paraître plus ou moins grand un chiffre que l'on cite : il suffit de choisir une unité très grande ou très petite. C'est ainsi qu'une quantité de radioactivité exprimée en becquerels (unité préférée des antinucléaires) paraitrait toujours immense car le becquerel est une unité toute petite : le corps humain à l'état naturel en l'absence de toute contamination représente déjà 10 000 becquerels et la moindre source radioactive (même inoffensive) se comptera bien vite en millions de becquerels.

Dans le cas des équivalences énergétiques, la situation est cependant plus complexe car on compare des énergies qui ne sont pas de même nature et qui peuvent être utilisée de plusieurs manières fort différentes.

Prenons un exemple en voulant comparant le poids de plusieurs aliments comestibles. Il y a deux méthodes de pesée possibles : avec ou sans la coquille, c'est-à-dire peser l'aliment brut en entier, ou seulement la partie qui sera consommée (sans la coquille). Appliquons cela, par exemple, à des amandes (dans le cas de l'huître, l'écart obtenu serait encore plus important, la coquille étant en proportion plus lourde). La partie comestible d'une amande ne représente que le tiers environ du poids de l'amande pesée (entière). En fait cette proportion est approximative et varie bien sûr d'une récolte à une autre et même d'une amande à une autre mais aussi selon que l'amande et sa coque sont sèches ou humides... Avant d'appliquer un coefficient il faut donc bien préciser où et quand il a été mesuré, car il n'est pas forcément applicable ou exact dans tous les cas. En comparant avec le poids d'une pomme où tout se mange même la peau avec nos amndes, il est ainsi facile, en ne précisant pas quelle méthode de pesée on utilise et quel coefficient on applique (ou non), de faire croire que l'on a mangé 3 fois plus ou 3 fois moins d'amandes, ou que la pomme est 3 fois plus ou 3 fois moins nutritive qu'on l'imaginait jusqu'alors par rapport à l'amande.

Si les deux interlocuteurs sont des experts de bonne foi et assez intelleigents pour savoir de quoi ils parlent, ils s'y retrouveront en se mettent d'accord sur la méthode, ils se comprennent et chacun sait à quoi se rapportent les calories par kilos citées par son confrère, selon que le poids de la coquille (sèche ou humide, de la récolte de telle année avec un coefficient de telle valeur) a été compté ou pas dans le cas des amandes.

Mais si un pseudo-nutritionniste (ou un charlatan qui vous vend des amandes sur un marché) qui n'a pas bien compris les chiffres qu'il utilise ou (pire encore) qui manipule sciemment les chiffres pour les arranger à sa guise (par exemple pour vous vendre les amandes entières au prix des amandes sans la coque) ne cite que les chiffres qui l'arrangent (le poids avec la coque, multiplié par le prix au kilo sans la coque) sans préciser les unités et à quoi cela se rapporte, et s'exprime en public sur le sujet sans préciser les détails, à un interlocuteur qui ne connait pas les détails (la vieille dame qui vient lui acheter les amandes par exemple), il pourra présenter les chiffres à son avantage, de manière éventuellement malhonnête. Si le charlatan est de mauvaise foi et poursuit un but "interessé" et que son interlocuteur n'y comprend rien ou pas grand chose, le public est presque CERTAIN de se faire berner par le charlatan.

C'est un peu ce qui se passe lorsque les antinucléaires citent des chiffres en TEP d'énergie finale pour le nucléaire. Le chiffre parait petit, mais le public ne comprend pas vraiment de quoi il s'agit. Il comprend seulement que le chiffre parait petit. C'est le but recherché par les antinucléaires.

Maintenant, quittons les pommes et les amandes pour revenir à nos équivalences énergétiques et mieux comprendre.

Dans le cas de l'électricité, la quantité d'énergie primaire, c'est le total de l'électricité consommée par le consommateur (énergie finale, équivalant à l'amande effectivement consommée, environ 1/3 de l'énergie primaire) et de l'énergie de refroidissement de la centrale (inutilisée, qui réchauffe la rivière, environ le double de l'énergie finale).

Le premier élément de confusion vient du fait que l'on exprime l'énergie consommée (finale) ou produite (3 fois plus) en une unité unique : la tonne équivalent pétrole (tep), ce qui revient à comparer des amandes avec coque et des amandes sans coque, ce qui n'est évidemment pas la même chose. Pour les charlatans, il sera facile de berner celui qui ne sait pas la différence entre une amande avec ou sans coque, et d'en vendre 1 pour le prix de 3, ou l'inverse dans le cas du nucléaire : de faire croire qu'il n'y en a qu'une quand en fait il y en avait trois.

Le deuxième élément de confusion vient des coefficients à adopter pour transformer les kWh électriques en tep selon qu'il s'agit d'électricité produite par des installations nucléaires, hydrauliques, éoliennes, géothermiques, photovoltaïques qui n'ont à la base rien de comparable au pétrole (pour l'électricité produite par du charbon ou du gaz pas de problème).

Pour comprendre de quoi il s'agit, c'est un peu comme si l'on compare des torchons et des serviettes n'ayant pas la même épaisseur, la même densité et la même surface et qu'on décide de comparer l'importance ou la qualité relative des torchons et des serviettes. Il ya plusieurs manières de faire les mesures et de calculer des équivalences entre torchons et serviettes qui sont de nature différente. Les spécialistes qui définissent avec précision ce qu'ils entendent par "l'importance" ou la "qualité" d'un tissu (son poids, sa densité, sa surface...) finiront par se comprendre après une longue explication. Mais ce genre d'explication est peu compatible avec les slogans assénés par les anti-nucléaires dans une interview de 30 secondes à la télévision.

Autrefois chaque pays avait sa méthode de calcul pour convertir les kWh électriques do'rigine nucléaire ou hydraulique en équivalent-pétrole, ce qui rendait les comparaisons internationales difficiles.

La méthode française, qu'il s'agisse d'énergie primaire ou finale la convention consistait à donner comme équivalent aux kWh nucléaires ou hydrauliques........ la quantité de pétrole qui aurait été nécessaire pour produire cette électricité dans une centrale thermique classique de rendement égal à 38,7 %. Ce qui conduisait au coefficient d'équivalence 1 MWh = 0,222 tep. C'était cohérent et logique puisqu'avant d'être nucléaire l'électricité française était fabriquée justement... avec du pétrole, dans des centrales dont le rendement était d'environ 38,7 %.

Depuis 2002, on a adopté la méthode internationale qui est bien plus compliquée. La voici :

Pour l'énergie primaire :

Pour les kWh nucléaires on adopte la notion de "contenu énergétique primaire à la production" avec une centrale de rendement théorique de 33 % (ce chiffre est purement théorique et correspond à un état de l'art moyen à une époque, en réalité chaque centrale à son propre rendement, qui varie d'un jour à l'autre selon la température de fonctionnement du réacteur, etc. et les rendements s'améliorent avec le temps, mais comme on ne peut pas changer la méthode de calcul tous les jours, on est resté sur ce rendement théorique que l'on suppose figé et identique pour tous les pays et tous les types de réacteurs nucléaires. On a ainsi 1 MWh = 0,260606 tep

Pour les kWh géothermiques c'est aussi le "contenu énergétique primaire à la production" mais avec un rendement de 10 % (là encore très arbitraire, car peut varier grandement d'une installation géothermiues à une autre). Soit 1 MWh = 0,86 tep

Pour les kWh hydrauliques, éolien, photovoltaïque on prend le "contenu énergétique" (autre méthode de calcul, comme si l'on compare des torchons et des serviettes). Soit 1 MWh = 0,086 tep (c'est à dire la quantité de pétrole nécessaire pour produire 1 MWh de chaleur. 1 tonne de pétrole ayant un contenu énergétique de 42 E9 joules).

Pour l'énergie finale :

Pour tous les kWh électriques qui arrivent chez le consommateur on prend le "contenu énergétique", la chaleur que représente le kWh, donc 1MWh = 0,086 tep. On voit que cela minimise considérablement la valeur de l'électricité par rapport au gaz, au pétrole ou au charbon. En effet, avec ce mode de calcul, pour produire la même quantité d'électricité qu'une tep-équivalent de nucléaire, il faudrait trois-tep équivalent de gaz (on voit que le nucléaire est dévalorisé d'une facteur presque égal à trois. C'est pourquoi tous les écolos glinglins qui veulent démolir le nucléaire sans bien comprendre ces détails parlent toujours en énergie finale, ce qui rabaisse (en apparence seulement) la part du nucléaire d'un facteur trois.

C'est comme si vous parliez du poids de votre récolte d'amande en poids d'amande sans la coque (ce qui peut se défendre, il suffit de préciser de quoi l'on parle) mais que vous en parlez à votre voisin paysan qui aurait l'habitude de peser ses amandes avec la coque. Il va croire que vous avez fait une toute petite récolte alors qu'en fait elle était 3 fois plus grosse qu'il ne l'imagine.

Et on arrive en effet avec ces coefficients appliqués dans le domaine de l'énergie à des choses surprenantes. En 2003 en France dans la "consommation d'énergie primaire" l'électricité représente 42 % mais dans la "consommation d'énergie finale" (en retenant la méthode de calcul internationale) elle n'est que de 22,4 % (fascicule CEA 2005 page 27).

Donc le nucléaire (80% de l'électricité) représente bien, avec ce mode de calcul et cette convention (internationale) de l'ordre de 17 % effectivement de l'énergie finale (ainsi calculée de manière désavantageuse pour le nucléaire, avec un facteur 3 au bénéfice du gaz du pétrole et du charbon).

Ce n'est qu'une affaire de méthode de calcul et de coefficients arbitraires. Les charlatans antinucléaires, par ignorance (le plus souvent) ou peut-être parfois de mauvaise foi (plus rarement) prennent les chiffres qui les arrangent pour nous faire croire que le nucléaire produit 2 ou 3 fois moins d'énergie qu'elle n'en produit réellement.