" Radioprotection et écologie "

 

Allocution de Bruno Comby

Président d'Honneur du Congrès

en introduction au 20ème Congrès de l’ATSR *

du 15 au 17 décembre 1999

à la Cité des Sciences et de l’Industrie à Paris

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(°) Association des Techniciens et Scientifiques de la Radioprotection

 

Mesdames, Messieurs,

Bonjour,

Je voudrais tout d’abord souligner l’opportunité de ce Congrès qui rapproche le nucléaire et l’écologie.

A l’heure ou l’on parle de plus en plus de pollution et où la protection de l’environnement prend, à juste titre, une part croissante dans tous les aspects de la vie sociale à la fois sur les plans scientifique, industriel, économique, que politique et même médiatique, ce rapprochement est plus que jamais nécessaire, il est indispensable.

En effet, les deux mots " nucléaire " et " écologie " ont trop rarement été associés jusqu’à présent.

Il est coutume, encore aujourd’hui, et il suffit d’allumer son poste de télévision ou d’écouter une conversation de quartier pour s’en rendre compte, d’opposer l’écologie et le progrès technique, et par conséquent d’opposer les écologistes à ceux qui travaillent dans le nucléaire.

Pourtant, quand on y réfléchit, la science et le progrès scientifique et notamment la recherche et l’industrie nucléaire civile et médicale (je laisse de côté en cela les aspects militaires), ont pour but d’améliorer les conditions de vie sur terre, de même que l’écologie a pour but également de protéger, de respecter ou même d’améliorer les conditions de vie sur terre.

Ces deux approches se rejoignent dans leur but ultime et plutôt que de les opposer, il convient d’associer l’écologie et le nucléaire, qui relèvent d’une démarche commune et d’un même souci de respect de la vie et du bien-être.

A mon sens, la radioprotection est au coeur de cet objectif qui consiste à concilier le progrès technique, avec le respect de la vie.

Au début du siècle la radioprotection était encore balbutiante.

Marie Curie et bien d’autres, en ne prenant pas certaines précautions élémentaires pour se protéger contre les effets nocifs des fortes doses de rayonnements, ont été jusqu’à payer de leur vie cet optimisme excessif et irraisonné.

Dans un deuxième temps, en réaction à cela, et fort utilement, la radioprotection s’est considérablement développée, afin de contribuer à mieux protéger tant le public, que les travailleurs du nucléaire, les médecins, les patients, les chercheurs et l’environnement des effets des radiations. A tel point qu’on assiste parfois à une chasse au moindre Becquerel, à l’inverse de ce qui se passsait au début du siècle, qui frise parfois le ridicule sans être toujours justifié par des arguments rationnels.

Le moment est maintenant venu de faire la part des choses, de faire le point sur les connaissances scientifiques afin de protéger au mieux les populations et l’environnement.

J’attire votre attention tout particulièrement sur un événement essentiel sur le plan théorique qui est survenu cette année et qui marque à mon sens un virage important pour l’avenir de la radioprotection : il s’agit d’un début de remise en cause de la loi linéaire sans seuil des effets des radiations. Ce point me parait revétir une importance particulière, car il sous-tend nombre de raisonnements actuels aussi bien chez les écologistes que chez les scientifiques et sert de base à de nombreux calculs de radioprotection, notamment pour évaluer les risques auxquels une population peut être soumise du fait de son exposition à des faibles ou très faibles doses de radioactivité. Ce thème sera, parmi d’autres, abordé lors de ce Congrès.

Les radiations, à condition d’être maniées avec précaution, contribuent à sauver de nombreuses vies humaines dans les hôpitaux. Par ailleurs, notamment quand on la compare à d’autres sources d’énergie couramment utilisées, l’énergie nucléaire ne consomme que très peu de matières premières (grande densité énergétique - 1 gramme d’uranium 235 fournit autant d’énergie qu’une tonne de pétrole ou de charbon). L’énergie nucléaire ne produit que très peu de déchets qu’il est donc possible de confiner quasi-totalement. Ces déchets ont une durée de vie limitée et leur nocivité est surtout importante au début puis décroit rapidement, de manière exponentielle.

On peut donc légitimement se poser la question de savoir si le nucléaire, bien conçu et bien exploité, contrairement à certaines idées reçues, n’est pas une une énergie qui peut être, lorsqu’elle est correctement conçue et exploitée, particulièrement propre et respectueuse de l’environnement, au service de la vie.

Il me semble que le temps est maintenant venu, plutôt que de les opposer, de réconcilier le nucléaire et l’écologie et de faire le point sur ces questions, qui doivent être traitées sur la base d’une approche globale et raisonnée. J’insiste sur ces deux termes : approche GLOBALE, c’est-à-dire prenant en compte tous les aspects et RAISONNEE, c’est-à-dire basée sur des faits et des raisonnements scientifiques, en excluant toute approche idéologique, partisane ou émotionnelle.

C’est le but de ce Congrès qui rassemble des intervenants de qualité.

C’est l’objectif également de l’Association des Ecologistes Pour le Nucléaire (AEPN) que de faire le point sur ces sujets et de mieux informer le public sur le nucléaire et l’environnement.

Je vous remercie, vous souhaite une excellent Congrès et concluerai en citant cette phrase d’Andrei Sakharov en introduction au livre de Grigor Medvedev La Vérité sur Tchernobyl :

" Je suis convaincu que l’énergie nucléaire est nécessaire à l’humanité. Il faut la développer, mais seulement en garantissant une sécurité absolue. "

Mesdames et Messieurs, je vous remercie.

Bruno Comby

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* ATSR : Association des Techniciens et Scientifiques de la Radioprotection

Photos du 20ème Congrès de l'ATSR : http://www.cc-pays-de-gex.fr/assoc/atsr-ri/congresf.htm